Changements Climatiques

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Photovoltaïque, nucléaire, soutiens publics : l’hypocrisie du gouvernement français

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Le photovoltaïque serait une technologie « chère ». Pour sauvegarder le pouvoir d’achat du consommateur, il faut limiter son développement, d’après le gouvernement. Un diagramme fort simple suffit pourtant à comprendre l’hypocrisie des pouvoirs publics français.

Le Premier Ministre a voulu, mardi dernier devant le Conseil Economique, Social et Environnemental, clôturer les choix gouvernementaux concernant la filière photovoltaïque. La décision est prise : il y aura une limitation en volume d’installations annuelles (500 MW). Autant dire que le photovoltaïque est condamné à rester une énergie de décoration, sans développement d’ampleur et sans avenir en France, alors même que c’est une énergie renouvelable au potentiel extraordinaire  (mais je n’ai pas la place de développer ici).

Cette annonce fait suite à une campagne de communication gouvernementale visant à démontrer l’explosion des dépenses causées par le solaire (le fameux rapport Charpin). Car il est vrai que, le coût de production de l’électricité photovoltaïque est supérieur à celui du mix énergétique moyen actuel. Et il est également vrai que la plupart des panneaux installés en France aujourd’hui sont importés, notamment de Chine (mais pas uniquement). Mais se pose-t-on la question de savoir pourquoi cela ? L’essentiel de la réponse dans un graphique issu du dernier rapport du GIEC -qui tirait lui-même ses informations de l’Agence Internationale de l’Energie-.

Ci-dessous, la répartition des aides publiques à la Recherche et Développement, par type d’énergie, pour les 28 pays membres de l’Agence Internationale de l’Energie (i.e. les pays occidentaux) entre 1973 et 2003 :

On constate d’un simple coup d’oeil que :

  • La recherche dans la fission nucléaire (bleu clair) a reçu 47,3% des aides publiques à la R&D (134 milliards de dollars de 2004)
  • Les énergies renouvelables toutes confondues (jaune) ont reçu 8,1% des financements publics (24 milliards de dollars). Le photovoltaïque a eu droit quant à lui à 2,2% des subventions publiques (6 milliards de dollars).
  • Les renouvelables ont été moins financées que les énergies fossiles (12,7% soit 37 milliards) et même été moins que la fusion nucléaire (10,5% soit 31 milliards) !

Il est intéressant de rapporter cette répartition à celle de l’approvisionnement énergétique actuel (toujours selon l’AIE) :

  • La fission nucléaire fournit 5,8% des l’énergie primaire mondiale
  • Les renouvelables, malgré leur faible subventionnement, fournissent d’ores et déjà 12,9% de l’énergie primaire mondiale
  • La fusion nucléaire ne fournit aucun kWh et n’en fournira probablement pas avant la fin du siècle

Pour accentuer encore le diagnostic, il faut considérer que :

  • ces statistiques sont celles agrégées de tous les pays de l’AIE (incluant l’Allemagne et le Japon, champions du photovoltaïque). Il n’y a pas de peine à imaginer que dans le cas de la France, les différences de subventions ont été encore bien plus marquées en faveur du nucléaire
  • on n’a regardé ici que les subventions directes d’aide à la Recherche et Développement. Or les aides publiques au nucléaire et aux énergies conventionnelles sont en réalité bien plus importantes et très diversifiées (ce serait trop long à développer ici, mais c’est une chose bien connue).
  • on ne compte pas tous les coûts  « indirects » liés au nucléaire (déchets, risques terroristes etc. et aux ressources fossiles (émissions de gaz à effet de serre, pollutions locales etc.) qui sont évités par le photovoltaïque

C’est extraordinaire : le gouvernement souhaiterait que le photovoltaïque soit aussi compétitif que le nucléaire (qui représente 83% de notre mix électrique), alors que cette technologie a reçu 22 fois moins de subventions publiques dans les pays de l’AIE (et encore moins pour le cas de la France).

Les coûts de production du photovoltaïque ne font que décroître rapidement : d’ici 2020, il sera être compétitif avec l’électricité conventionnelle, ce qui annoncera le développement à grande échelle sans plus aucune subvention publique (constat auquel même le rapport Charpin, p7 s’accorde). Malheureusement, les panneaux seront toujours chinois, allemands, japonais ou américains… car aucune filière française n’aura pu se structurer vu le manque de soutien public pendant la phase d’amorçage. Et on continuera à dénoncer le déficit commercial lié au photovoltaïque, pour mieux supporter le tout nucléaire.

C’est bien dommage, car nous disposons en France d’excellents physiciens et industriels qui seraient en mesure de nous faire rattraper rapidement une grande partie du retard techno-scientifique, à condition qu’ils reçoivent autant de financements qu’ils en ont eu pour nucléaire au cours des 40 dernières années.

Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas réformer les tarifs de rachats qui conduisent à des rentes superflues et des dépenses exagérées -personne ne dit cela-, mais il faudrait le faire de manière à permettre réellement la structuration d’une industrie locale (réduction progressive des tarifs d’achats, comme proposé par les acteurs de la filière et par la Ministre de l’Environnement). Et surtout, il ne faudrait pas s’arc-bouter sur une analyse hypocrite et malhonnête des coûts supposés pour la collectivité, qui ne considère qu’une partie de la réalité. En plus, ça risque de se voir.

 

Sources :

Assessment Report 4, IPCC, Working Group 3, Chap 13, Figure 13.1

– Et le détail chiffré dans le document de l’AIE : Renewable Energy, markets and policy trends in IEA countries, 2004

5 Réponses

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  1. Malheureusement, l’article se base sur des éléments statistiques parcellaires, ce qui fausse l’analyse… jusqu’à lui donner un aspect propagandiste.

    2 exemples :
    – la revue de l’AIE employée est celle de 2003, il en existe de plus récentes. La revue de 2006 révèle qu’entre 2003 et 2005, il y a une augmentation très nette de la part du budget alloué au renouvelables, qui passe de 8,1 à 11,6%. Soit une augmentation de l’ordre de 40 % en deux ans.
    – Il est dit que les renouvelables fournissent d’ores et déjà 12,9 % de l’énergie mondiale, là où la fusion représente 5,8 %. Cela sous-entend que les renouvelables sont plus efficaces que le nucléaire avec moins de budget R&D alloué. Le raisonnement me paraît biaisé, il faudrait plutôt comparé la part de production des énergies renouvelables SUBVENTIONNES. Effectivement, la plus grande partie de la production d’électricité renouvelable est réalisée par l’hydraulique et certains éléments de la biomasse qui n’emploient aucun financements de la R&D. L’hydraulique représente près de 66 % de la production d’électricité d’origine renouvelable ches les pays de l’AIE. Le solaire et l’éolien représentent quant à eux seulement 0,2 % de la production d’énergie renouvelable dans les pays de l’AIE. A l’échelle mondiale, la part des renouvelables augmente donc essentiellement grâce à l’hydraulique et à la biomasse non subventionné, étant entendu que l’essentiel du parc éolien et solaire se trouve dans l’AIE.

    J’aurais encore bien d’autres choses à dire, mais la flemme.

    Fabre

    27 février 2011 at 12 h 06 mi

    • Merci pour ce commentaire constructif (je passe sur le terme « propagandiste »).

      Vos remarques sont justifiées, mais pour autant je ne pense pas que cela retire l’essentiel du message. L’analyse est effectivement incomplète, mais je voulais me contenter d’un article court. Pour donner des éléments de réponse :
      – sur l’actualisation des données, je suis heureux de savoir qu’il en existe de plus récentes. Mais impossible pour ma part de mettre la main dessus. Auriez-vous des sources exactes ? Concernant le chiffre que vous avancez (passage de 8,1% à 11,6% du budget pour la R&D), confirmez-vous que c’est une part de budget cumulé depuis 1973 ? Auquel cas cela implique une explosion de subventions pour les années 2004 et 2005 (bien supérieure à 40%). Si cela est confirmé, c’est très bien. Mais il reste néanmoins un long chemin pour arriver à parité avec le nucléaire et les fossiles…
      – c’est vrai, je n’ai pas fait la distinction entre renouvelables. C’est un raccourci un peu facile, je dois en convenir, en particulier du fait de la place de l’hydraulique. Légèreté que vous avez souligné à raison.
      Mais ceci dit, deux remarques sur l’hydraulique : cette technologie a été développée avant 73, elle est mature de longue date. Cela explique son déploiement et l’absence de subventions publiques dans la R&D actuelle (qq % du budget consacré aux renouvelables). Pourtant, les énergies fossiles ont été également développées depuis longtemps et sont largement matures sur le marché privé (qui est en mesure de faire de la R&D). Alors pourquoi les fossiles bénéficient-elles encore de soutiens en R&D publique tandis que l’hydro non ?

      Pour comparer plus sérieusement les énergies, il faudrait développer davantage de critères que ce que j’ai fait (encore une fois je conviens que la comparaison implicite était un raccourci simplifié).

      Mais la distinction entre renouvelables comme vous les proposez n’est pas suffisante. Il faudrait considérer :
      – une analyse sur la base de la production d’énergie finale (voire le service énergétique rendu), plutot celle d’énergie primaire (qui sont les données que j’ai reprises de l’AIE)
      – les subventions R&D et toutes les autres subventions directes et indirectes (fiscalité et soutiens publics, législation et stabilité de celle-ci, investissements publics dans les réseaux de distribution, rôle d’assureur et sécurité militaire assurés par l’Etat pour le nucléaire…)
      – les coûts totaux (atteintes aux biens publics notamment)

      Et si l’on veut véritablement avoir une idée sur ce qu’il convient de faire désormais, il faut analyser les potentiels (physiques, géophysiques, socio-économiques)… Et peut-être aussi les contraintes socio-techniques (stockage, acceptabilité etc etc). Bref, il faudrait faire beaucoup plus. Donc soulever le caractère incomplet du raisonnement ne l’invalide pas forcément. Proposer une comparaison globale des énergies n’était pas mon l’objet de propos principal dans cet article (cela requerrait plus que 500 mots).

      Ce que je souhaitais souligner est que l’on voit les coûts que l’on veut voir : le photovoltaïque sera compétitif sur réseau avec l’électricité conventionnelle d’ici 10 ans, alors qu’il a reçu 22 fois moins d’aides pour la R&D que le nucléaire (et encore moins si on considère l’ensemble du mix actuel). Mais en même temps, on nous affirme que c’est une resource énergétique onéreuse dont il convient de se protéger. N’est-ce pas ridicule ?

      Dans le cas de la France, cette situation est particulièrement difficile à avaler : le PM prétend défendre le consommateur… mais il oublie de dire, comme d’habitude, qu’avec le nucléaire ce que le consommateur ne paie pas, le contribuable le verse (ou l’a versé). Encore une fois, il s’agit de rappeler que les coûts « évidents » (ou apparents) sont insuffisants pour trancher.

      Quant à vos autres critiques, la flemme d’y répondre puisqu’elles n’ont pas été posées 😉

      ToM

      27 février 2011 at 13 h 22 mi

      • Il n’y a plus de site en France pour pouvoir construire de centrales hydro-électrique. D’une part pour des raisons techniques car il n’y a plus de site adéquat et d’autre part en raison de la loi sur l’eau. L’hydraulique est donc bloqué, et c’est dommage. Il ne se développera plus, n’en parlons plus.
        Il s’agit de la première forme de production d’énergie il y a plus d’un siècle de celà et avant les centrales à charbon ou à fuel lourd. Qui se rappelle encore si la R&D et l’industrialisation de cette filière n’ont pas été financées par le gouvernement de l’époque ? C’est une technologie plus qu’éprouvée et les seules améliorations possibles sont plus que limitées dans le domaine de l’automatisation. Celà ne coûte rien car il n’y a rien à améliorer. Donc rien à subventionner…
        Pour le thermique à flammes (charbon et fuel) les subventions sont concentrés sur les seuls moyens de dépollution des fumées générées. Est-ce encore raisonnable de continuer ?
        Le photovoltaique est une rupture technologique qu’il nous faudra bien accepter. Sinon elle se fera sans nous et nous serons alors obligés d’acheter l’énergie à l’étranger, tout comme le matériel.

        Bougonnator

        28 février 2011 at 9 h 53 mi

  2. Bonjours
    Larticle oublie de mentionner quen meme temps que larret du photovoltaique un programme daide au developpement photovoltaique et thermodynamique a ete lancé.

    Eric dupont

    28 février 2011 at 7 h 54 mi

  3. je suis bien incapable d’affirmer ou d’infirmer tous ces chiffres, mais un fait existe. L’énergie en France est produite à plus de 80% par le Nucléaire – c’est un choix stratégique faite dans les années 1960 qu’on ne peut plus écarter et remettre en cause d’un coup de baguette magique, tout écolo soit-on…on voit bien toutes les difficultés que rencontre l’Allemagne avec le lobby anti-nucléaire!
    Il me semble donc normal que les parts d’investissement des instituts de recherche français restent axés prioritairement sur l’optimisation des technologies du Nucléaire(au risque de me faire insulter par leurs détracteurs).

    L’effort en faveur des énergies renouvelables (même s’il est toujours jugé insuffisant) montre que la France ne se détourne pas de ces voies de progrès (Eh oui, j’ai aussi des panneaux sur mon toit). Mais une notion comptable rentre dans les choix stratégiques…espérons que l’unité de l’Europe nous y aidera, on peut rêver (une France leader dans le nucléaire, une Allemagne leader dans le photovoltaïque, etc). Voyons plus large que notre nombril de franchoullard et cherchez à faire la même chose, soignons notre particularité!

    Après, je ne discute du coùt du KW nucléaire et de la réelle rentabilité des centrales EDF. Un gros travail de transparence reste à faire, me semble-t’il. Mais ce qui est sûr, c’est qu’EDF va prolonger leur durée de vie d’une bonne vingtaine d’années. Il faut espèrer que la sureté restera au même niveau, sinon même sera amélioré…mais, attendons les études en cours qu’attend l’ASN.

    Kezakou33

    1 mars 2011 at 18 h 07 mi


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