Dans un article précédent relatif à la censure de la Contribution Carbone par le Conseil Constitutionnel et dont lemonde.fr a repris un extrait (que je considère périphérique par rapport au message principal de l’article), je faisais la distinction entre deux critiques de la gauche : une acceptable et heureuse et l’autre, portée principalement par Ségolène Royal, malheureuse et « populiste ». Quelques explications sont nécessaires.
La critique de S. Royal repose sur l’affirmation que « La taxe carbone n’est pas efficace sur le plan écologique et elle est socialement injuste » et « qu’une fiscalité environnementale intelligente » serait nécessaire à la place (voir par exemple le communiqué de Désir d’Avenir 86 ou cet article du Post.fr).
S. Royal a raison sur un point : d’autres outils fiscaux existent et sont nécessaires
Tout d’abord, affirmons très clairement une chose : d’autres outils fiscaux existent (prêts à taux zéro, subventions, bonus-malus…) et sont effectivement nécessaires et efficaces. Sur ce point, nulle contestation des affirmations de S. Royal : on approuve totalement.
D’ailleurs, le Grenelle de l’environnement avait largement développé les réflexions sur ces dispositifs d’incitation et de soutien, et certains ont été développés depuis à l’échelle régionale (en Poitou-Charentes notamment) et à l’échelle nationale (bonus-malus auto, fonds chaleur…).
Pour autant, cela n’empêche pas que la taxe carbone ait son intérêt. Et cela ne prouve pas non plus qu’elle est socialement injuste et inefficace écologiquement.
S. Royal a tort : la taxe carbone est efficace au plan environnemental
La taxe carbone a un véritable intérêt environnemental et sera efficace. Etant donné que la critique de S. Royal vise le principe même d’une taxe carbone et non sur ses modalités d’application, le reste de l’analyse s’effectue sur une taxe carbone « idéale ».
- Visualiser l’objectif de la taxe
Quel est l’objectif de la taxe ? Il est simple mais on peut le visualiser de différentes manières.
Dans une première approche, c’est une application du principe « pollueur payeur »… principe que S. Royal plébiscite (à raison). En effet, avec une taxe carbone tous les agents économiques doivent payer un montant proportionnel à leur impact sur le climat, qu’ils soient une entreprise (Total au moment de la transformation du pétrole en carburant) ou un consommateur final (tout automobiliste qui vient se servir à la pompe pour faire rouler sa voiture). Qu’y a-t-il de choquant à cela ? On voudrait que les (méchantes) entreprises paient pour leurs méfaits mais les (gentils) consommateurs continueraient de polluer sans contrainte ?
Malheureusement, le changement climatique ne pourra être combattu ainsi… simplement en raison du fait que les émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent de tous les acteurs de l’économie. Rappelons un fait (voir l’inventaire sectoriel français) : les émissions provenant des entreprises manufacturières, de l’industrie lourde et des industries énergétiques ont diminué significativement pendant que les émissions du tertiaire et domestiques ainsi que celles du transport ont augmenté significativement.
Variation des émissions sectorielles en France de 1990 à 2007
Industries de transformation de l’énergie : 77,3 Mt équiv CO2 en 1990 => 69,2 Mt équiv CO2 en 2007
Les industries manufacturières : 156,6 Mt en 1990 => 2007 116,4 Mt en 2007
Le résidentiel/tertiaire : 88,7 Mt en 1990 => 93,8 Mt en 2007
Les transports : 117 Mt en 1990 => 2007 139 Mt en 2007
L’agriculture (hors changement d’usage des sols) : 116 Mt en 1990 => 103 Mt en 2007.
Comment cela s’explique-t-il ? Si la désindustrialisation en France a participé à ces réductions, la cause principale est que les entreprises sont soumises à des incitations fortes depuis longtemps (incitations fiscales et réglementaires, puis quotas). Et pourquoi les entreprises ont-elles été d’abord incitées ? Parce qu’il est plus simple pour les pouvoirs publics de s’attaquer à des sources de pollutions hautement concentrées et parce que réguler les entreprises est populaire et relativement simple à mettre en œuvre. Malheureusement, cela ne suffit pas pour mener une réelle bataille contre les changements climatiques.
D’où la deuxième perspective : la taxe carbone vise à soumettre l’ensemble de l’économie à une contrainte favorable à l’environnement. L’objectif est de donner un avantage compétitif aux activités vertueuses et un désavantage aux activités polluantes.
Cela peut se faire au sein d’une même catégorie de biens (par exemple des voitures), auquel cas la taxe carbone revient exactement au même qu’à la partie « malus » du « bonus-malus » écologique (on envisage la partie « bonus » de la taxe dans un second temps, par l’usage qui est fait des sommes prélevées, voir infra). Dans le cas d’une voiture, le « malus » de la taxe ne s’applique pas au moment de l’achat du véhicule (sauf pour les émissions relatives à la production du véhicule) mais au moment de l’achat du carburant pour le faire rouler (émissions relatives à l’usage du véhicule). L’acheteur va anticiper ces futures dépenses et sera porté à choisir le véhicule qui consomme moins d’essence, toutes choses égales par ailleurs. L’avantage de la taxe par rapport au bonus-malus est son caractère systématique : il n’y a pas que les producteurs de voitures qui doivent évoluer, mais également les producteurs de perceuses, de tuyaux, de machines à laver etc. ! Il n’est administrativement pas possible de mettre en place un bonus-malus au sein de chaque catégorie de biens. Une taxe carbone remplit cet office mécaniquement.
Mais surtout, l’avantage majeur de la taxe par rapport au bonus-malus est qu’elle change les préférences des consommateurs entre les catégories de biens (et non pas uniquement au sein d’une catégorie de bien). Autrement dit, les consommateurs sont poussés à faire évoluer l’usage de leur budget vers moins de consommations matérielles (fortement émettrices) mais vers plus de services (faiblement émettrices). Ce point est crucial : la taxe carbone est une trame de fond générale pour l’ensemble de l’économie.
Avec l’introduction de la taxe, on fait évoluer les choix des consommateurs en les obligeant à intégrer un paramètre « environnemental » reflété par le coût monétaire. En changeant les préférences des consommateurs, on change les orientations des producteurs : offre et demande se conjuguent pour faire évoluer progressivement l’économie vers moins d’émissions.
Notons que ces incitations (dites « premier dividende » par les économistes) interviennent quel que soit le mode de redistribution des sommes prélevées (voir infra).
- Efficacité environnementale
D’accord pour la théorie, mais est-ce que cela fonctionne ? Est-ce que 3 cts d’€ supplémentaires sur le litre d’essence vont changer mon comportement ?
C’est là qu’intervient le caractère « contre-intuitif » du dispositif. En observant notre quotidien, nous sommes effectivement tentés de penser qu’une variation de quelques centimes à quelques euros sur le prix des biens ne change pas notre comportement de consommateur qui resterait déterminé par nos préférences, nos contraintes, nos habitudes, l’influence de la publicité… Et pourtant…
Il ne suffit plus de regarder chaque agent économique pour comprendre, il faut passer à l’échelle supérieure (macro) : comment évoluent les comportements de l’ensemble d’une population sous contrainte d’une nouvelle taxe ?
Si on s’intéresse à l’énergie fossile (puisque la taxe carbone de N. Sarkozy reposait uniquement sur ce produit), la réponse est très claire : les consommations d’énergie diminuent avec l’augmentation du prix. En langage économique, on dit que la demande est élastique au prix. La littérature sur le sujet est très abondante et ne fait pas l’objet de débats entre les économistes. Un exemple immédiat simple est la comparaison des consommations des véhicules aux Etats-Unis et en Europe : chez l’Oncle Sam, où la fiscalité sur les carburants est très faible ce qui conduit à un prix au litre bien inférieur à celui en Europe, la consommation moyenne des véhicules est bien supérieure à celle en UE. Autre analyse possible, on observe des variations historiques de consommation (et d’émissions de GES) directement corrélées au prix du baril de pétrole.
Evidemment, la réaction de l’économie n’est pas instantanée, et il existe des rigidités dans l’évolution des comportements : le taux de renouvellement du mobilier et des véhicules est de l’ordre de 2 à 15 ans, celui de l’immobilier et des infrastructures publiques plutôt de l’ordre de 20 à 50 ans. Autrement dit : oui, il y a une période lors de laquelle les consommateurs (et producteurs) sont soumis à une contrainte monétaire sans possibilité de changer leurs consommations. Les conséquences sociales et économiques qui interviennent au cours de la phase d’adaptation doivent donc être mesurées et compensées autant que possible (voir infra).
C’est pourquoi il est un autre point essentiel sur lequel s’accordent également tous les économistes : il faut que la taxe soit progressive et prévisible dans le temps. Il ne faut pas déstabiliser les consommateurs/producteurs par l’introduction immédiate d’une taxe à un niveau élevé, à laquelle les agents économiques ne pourraient pas s’adapter. Et il faut permettre aux consommateurs/producteurs d’anticiper un changement du prix dans le futur afin qu’ils fassent évoluer leurs préférences par anticipation et pas uniquement par réflexion instantanée (vous serez plus enclin à acheter une voiture qui consomme peu si vous savez que le prix du carburant augmentera).
On peut donc vraiment rejeter la critique de S. Royal concernant l’inefficacité environnementale d’une taxe carbone ; c’est un élément qui fait clairement l’unanimité parmi tous les spécialistes de ces questions.
S. Royal a tort : la taxe carbone n’est pas injuste socialement
La seconde critique est le caractère socialement injuste de la taxe carbone. Il y a plusieurs réponses à faire.
- Diagnostic général théorique
Tout d’abord, il faut remettre les choses à leur place (même si cela est choquant) : la fiscalité environnementale n’a pas pour objet de régler les problèmes d’inégalités de revenus !
Il existe un principe simple en économie politique : à chaque objectif doit correspondre un instrument de régulation. Avec la taxe carbone, l’objectif est unique : réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de l’économie. Pas régler des problèmes sociaux qui préexistent. Mais je m’empresse compléter le propos par deux points.
D’abord, malgré ce qui précède, il est normal de considérer les conséquences sociales de tout nouveau dispositif et on pourrait refuser une régulation qui aurait des conséquences catastrophiques ou insupportables. On peut donc poser comme principes que la fiscalité environnementale ne doit pas, globalement et dans la mesure du possible, aggraver les inégalités et que des mécanismes de compensation et de soutien à la transition environnementale soient mis en place. Cependant, il faut être clair également sur un autre point désagréable : l’objectif est de faire évoluer les comportements des consommateurs et producteurs, il y a aura donc des « perdants » et des « gagnants » à court terme. Si vous voulez faire évoluer une situation, il n’y a pas d’autre choix que d’en passer par là !
L’autre point est qu’il faut inverser le raisonnement (et la gauche doit le faire en urgence !) : on ne peut pas reprocher à l’environnement d’être responsable des inégalités qui lui préexistent et qui lui sont extérieures ! Au contraire, les enjeux environnementaux, que nous sommes dans l’obligation de prendre en considération désormais, mettent en relief les inégalités insupportables qui existent au sein de notre société. La fiscalité environnementale est un argument supplémentaire pour exiger la réduction des inégalités (par la suppression du bouclier fiscal par exemple). Pas l’inverse ! Une partie de la gauche se saborde toute seule en faisant l’amalgame entre priorité environnementale et priorité sociale…
- Diagnostic général factuel
Rappelons qu’il y a deux étapes dans un système de taxe carbone : la taxation à proprement parler (dite « premier dividende ») et l’usage des fonds récoltés (dit « second dividende »).
Une taxation sur les produits de consommation est injuste socialement. Pourquoi ? Parce que les pauvres ont une proportion de leurs revenus bien plus importante destinée aux consommations courantes qu’à l’épargne. Autrement dit, un pauvre sera plus affecté par la taxe en proportion de son revenu qu’un riche.
Il est donc clair que la partie « prélèvement » de la taxe carbone est injuste socialement (on parlera de dégressivité selon le revenu) dans une analyse instantanée. Mais il faut juger de l’effet social du dispositif global, c’est-à-dire en intégrant l’usage qui est fait des sommes récoltées (second dividende). On analyse sous cet angle le dispositif adopté par le Parlement dans le point suivant pour pouvoir conclure.
On remarque seulement que cette régressivité est valable pour toute taxe qui repose sur la consommation… la première étant la TVA dans une proportion sans mesure avec la taxe carbone ! Or la TVA ne fait pas l’objet de polémique actuellement Ce qui conduit à une conclusion : le rejet actuel de la taxe carbone correspond à une réaction de court terme alors que la justice sociale exige d’envisager globalement le système fiscal.
- Diagnostic factuel pour le dispositif proposé par le gouvernement
Second élément contre-intuitif du raisonnement : les inégalités en proportion et les inégalités en valeur absolue ne sont pas les mêmes. Le fait qu’en proportion un pauvre soit plus taxé qu’un riche ne préjuge pas du montant en valeur absolue payé par chacun. Par exemple, une taxe pourrait représenter 1% du revenu d’un riche et 5% du revenu d’un pauvre, mais 200€ pour un riche et 50€ pour un pauvre. La question est celle de la répartition des différents types d’inégalités (de revenus, de consommations, de comportement, d’information…) au sein d’une population.
En l’occurrence, c’est ce qui se passe pour l’énergie : la part de l’énergie dans les revenus des ménages croît moins rapidement que le revenu lui-même. Mais malgré tout, on observe que les riches consomment plus d’énergie que les pauvres (malgré leur accès une meilleure technologie etc.). Ce point est fondamental pour comprendre qu’on peut faire, à partir d’un dispositif régressif au moment du prélèvement, quelque chose de progressif (donc juste socialement) dans l’ensemble.
L’idée est simple : il suffit de redistribuer de manière forfaitaire les montants perçus grâce à la taxe carbone. La redistribution forfaitaire d’une taxe carbone est une idée maintenant ancienne et internationale (supportée par James Hansen auprès d’Obama notamment). En France, elle a été principalement portée par la Fédération Nicolas Hulot.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Reprenons nos deux ménages. Pour le plus pauvre, la taxe carbone lui aura coûté 50€, ce qui représente disons 5% de son revenu. Le ménage riche, quant à lui, aura payé 200€ de taxe carbone (car il voyage beaucoup), ce qui représente 1% de son revenu. L’Etat a récolté en tout 250€. S’il redistribue à égalité, chacun recevra 125€. Le ménage pauvre aura donc gagné sur l’année : 125 -50 = 75€. Le ménage riche aura quant à lui perdu : 200-125 = 75€.
Au final, du fait de l’incitation quotidienne à consommer moins polluant, la collectivité y gagne par la réduction des émissions. Et les inégalités n’ont pas été aggravées, elles ont même été légèrement réduites.
Evidemment, cet exemple simplificateur ne reflète pas exactement la situation réelle : la consommation des ménages à court terme dépend fortement de leur situation initiale (citadins ou ruraux, mode de chauffage, taille de la famille…). Ceci correspond à ce qui était dit plus haut : il y aura des perdants et des gagnants à court terme. Afin de déterminer les effets sociaux, l’ADEME a fait différentes simulations. En résumé : les 20% les plus pauvres de la population ne sont jamais perdants (même ruraux), les plus riches sont toujours perdants, pour les catégories intermédiaires cela dépend de leur situation particulière (voir les articles de médiapart qui effectuent une synthèse ici et ici).
Evidemment, il faut veiller aux cas particuliers et soutenir globalement la transition qui permettra de réduire encore plus l’impact de la taxe carbone. Pour cela, il faut mettre en place d’autres outils de soutien (et là je rejoins S. Royal) : prêts à taux zéro pour la rénovation des bâtiments, tarifs de rachat pour la production de renouvelables, soutien à l’innovation, investissements dans les transports en commun…
Pour certaines ONG ou personnalités écologistes, il faudrait d’abord utiliser les revenus de la taxe pour de telles actions plus ciblées. Ce peut être un choix qui accélère fortement la transition écologique (et réduit d’autant l’impact de la taxe). En revanche, il n’y aurait dans ce cas plus de versement forfaitaire qui compenserait mécaniquement l’effet régressif du prélèvement. On peut donc craindre que de nombreux ménages soient laissés sur le côté en n’étant pas bénéficiaires des mécanismes de soutiens ciblés et subissent au final de plein fouet de la caractère régressif du prélèvement.
Une alternative serait de ne pas verser le montant forfaitaire aux plus riches (renforcement du caractère progressif du dispositif) afin de dégager des moyens pour les mécanismes complémentaires.
Une dernière solution alternative qui n’a pas même été envisagée par la Commission Rocard serait la réduction de la TVA, qui reviendrait à une formule « bonus-malus » généralisée à toute l’économie (voir cet article et celui-ci).
En somme, encore une fois, la critique de S. Royal sur le caractère socialement injuste de la taxe carbone est objectivement infondée du fait du mécanisme de redistribution choisi par le gouvernement.
Pourquoi qualifier la position de S. Royal de « populiste » ?
J’ai qualifié la critique de S. Royal de « populiste » et je le maintiens. Je le fais d’autant plus librement que j’ai souvent défendu la politique régionale de S. Royal notamment en matière d’environnement et que je partage d’autres critiques faites concernant le dispositif du gouvernement (en particulier celles du Conseil Constitutionnel).
On peut définir le populisme comme une « attitude politique cherchant à attirer la sympathie du peuple par des mesures sociales populaires ».
Incontestablement, S. Royal cherche dans ses paroles à protéger le « peuple » contre une mesure qu’elle affirme anti-sociale. Grâce à cela, elle a eu une couverture médiatique très importante. Et pourtant, comme j’ai essayé de l’expliquer au-dessus, le dispositif du gouvernement n’est dans ses principes pas anti-social (bien qu’imparfait, voir infra).
S. Royal s’appuie sur la crainte d’une nouvelle taxe qui viendrait grever encore le revenu des ménages, ce qui paraît insupportable. Cette crainte est parfaitement compréhensible, surtout après ce qu’a fait le gouvernement avec le bouclier fiscal. Mais elle est injustifiée ! S. Royal s’appuie également sur un manque de connaissances de la part du grand public pour trouver de la crédibilité.
Loin de moi l’idée que les citoyens sont des imbéciles incapables de comprendre ce qui est bon pour eux ; je suis un fervent défenseur de la démocratie participative. En revanche, je suis obligé de constater qu’il y a actuellement beaucoup d’incompréhensions quant au principe de fiscalité environnementale. A qui la faute ? Aux médias peut-être, et surtout aux politiques qui cherchent de la notoriété quitte à mentir. On ne peut certes pas reprocher à tout un chacun de ne pas avoir passé des heures et des heures à lire sur le sujet. Mais il faut néanmoins donner les clés pour comprendre, y compris celles qui sont contre-intuitives afin que tout le monde puisse se forger un jugement éclairer (et établir des critiques fondées du projet gouvernemental).
Ce qui me révolte est que ce petit jeu personnel de S. Royal va à l’encontre de l’intérêt du « peuple » et de celui de la gauche dans l’ensemble.
Pourquoi cela va à l’encontre du « peuple » ?
– parce qu’il sera le premier à pâtir d’un manque d’action contre les changements climatiques
– parce que la crise environnementale est couplée à une crise énergétique majeure en devenir. Or, la seule façon de surmonter cette seconde crise est d’anticiper le futur qui sera composé d’énergies chères.
L’alternative qui s’offre à nous est simple : soit nous attendons et les prix augmenteront tôt ou tard (correspondant à l’instauration d’une forte taxe)… et l’argent ira directement dans les poches des gros producteurs de pétrole (privés et Etats pétroliers). Soit nous taxons progressivement maintenant (taxe carbone) pour obliger à anticiper le futur tout en récoltant communément l’argent afin d’investir ou de le redistribuer.
– parce que ce sont les plus pauvres qui seront de plus en plus victime de la précarité énergétique. Et que refuser de l’anticiper par une politique structurelle nécessaire, c’est clairement avoir une action anti-sociale.
Les critiques réellement pertinentes
Encore une fois, je n’ai pas dit que le dispositif gouvernemental était parfait. Les critiques soulevées par les ONGs, Europe Ecologie ou certaines personnalités du PS et au final par le Conseil Constitutionnel me semblent tout à fait justifiées.
En particulier, le dispositif est inéquitable entre producteurs industriels et consommateurs, offre trop d’exonérations sectorielles, n’inclut pas l’électricité et les émissions autres que le CO2, n’est pas assez élevé pour avoir l’impact suffisant, n’établit pas légalement la contrainte de long terme (progressivité du taux)…
Conclusions
Le projet gouvernemental n’est pas exempt de points critiquables. Tous les points négatifs du projets évoqués plus haut sont importants et on se réjouit que le Conseil Constitutionnel donne une occasion au gouvernement de revoir sa copie (et à l’opposition et aux ONGs de jouer un rôle constructif). En revanche, le dispositif n’est globalement pas catastrophique au plan social comme il aurait pu l’être si le gouvernement avait utilisé les fonds pour réduire les charges sociales ou la taxe pro (comme cela a pu être envisagé à un moment). Il n’est donc pas légitime d’attaquer la taxe carbone dans ses fondements.
S. Royal a raison sur un point : d’autres outils d’actions publiques complémentaires de la taxe carbone sont nécessaires pour faciliter la transition écologique de tous (et surtout des plus vulnérables).
En revanche, elle a tort de dire que celle-ci est environnementalement inefficace et socialement injuste. On ne peut que regretter cette prise de position très médiatique, incompréhensible pour qui s’intéresse réellement au bien commun environnemental et social. On espère qu’elle fera évoluer significativement son discours.