Changements Climatiques

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Copenhague est mort ! Vive…. vive quoi ?

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Nous en avons désormais la confirmation : malgré les paroles rassurantes des leaders maximo, le monde va vers un réchauffement climatique bien au-delà de 2°C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle. Les pays industrialisés sont clairement responsables de cette situation, qui s’avèrera dramatique pour des centaines de millions de personnes.

Le secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unies contre les Changements Climatiques vient de publier les engagements de réduction de leurs émissions des pays industrialisés ainsi que les engagements d’actions nationales appropriées pour les pays en développement, comme le prévoyait l’Accord de Copenhague qui fixait la date limite de contribution au 31 janvier. A noter cependant que cette « date butoir » est considérée comme « flexible »…

Accord de Copenhague : un raisonnement inversé

Tout d’abord, avant d’analyser l’actualité, je me permets un petit commentaire sur la construction de l’Accord de Copenhague.

Les dirigeants avaient beau jeu d’affirmer qu’un grand progrès avait été réalisé par l’inscription de l’objectif « +2°C » en 2100 dans l’Accord de Copenhague ; il est même évoqué la possibilité de revoir à la baisse cet objectif à 1,5°C ! Miracle ? Non, mirage !

We agree that deep cuts in global emissions are required according to science, and as documented by the IPCC Fourth Assessment Report with a view to reduce global emissions so as to hold the increase in global temperature below 2 degrees Celsius, and take action to meet this objective consistent with science and on the basis of equity.
(…)
We call for an assessment of the implementation of this Accord to be completed by 2015, including in light of the Conventionís ultimate objective. This would include consideration of strengthening the long-term goal referencing various matters presented by the science, including in relation to temperature rises of 1.5 degrees Celsius.

Inscrire un tel objectif est louable, mais trompeur. On pourrait croire que cet objectif a des implications fortes et directes en termes de réductions des émissions de gaz à effet de serre, auquel cas son inscription relèverait effectivement d’un progrès. En réalité, le raisonnement est inversé et fausse cette appréciation.

En effet, à l’heure actuelle, du fait de la complexité du système climatique, les sciences sont incapable de nous dicter précisément le chemin qui permettrait d’atteindre avec certitude cet objectif en termes d’émissions globales. Il existe encore trop d’incertitudes et d’effets incompris ou non quantifiés (boucles de rétroactions, qu’elles soient positives ou négatives…) -et il est peu probable qu’on arrive un jour à une telle certitude-. En conséquence, les sciences ne peuvent que nous indiquer des probabilités d’atteindre un objectif de température en fonction d’un chemin d’émissions. Par exemple, avec une réduction de 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) en 2050 par rapport à 1990, on peut espérer atteindre l’objectif de +2°C avec 80% de chances (nota : en réalité, ce qui compte ne sont pas les émissions à une date donnée, mais l’ensemble des émissions cumulées sur toutes les années ; l’année 2050 est ici considérée comme un « point de passage » représentatif du chemin suivi).

Dans ces conditions d’incertitude, comment faut-il lire l’objectif de l’Accord de Copenhague ? Lorsque les pays s’engagent à préserver l’accroissement de température à moins de 2°C, est-ce avec 100% de chances ? 80% ? 50% ? 20% ? Il faudrait que la précision soit apportée pour en déduire un « budget d’émissions » mondial. Or ce n’est pas le cas, ce qui transforme l’objectif du 2°C est en un rideau de fumée. Une formulation qui aurait été honnête eut été quelque chose du style :

« nous nous engageons à réduire les émissions mondiales de W% en 2020, de X% en 2050 par rapport à 1990, de telle sorte que le budget global d’émissions mondiales soit de Y Gtonnes de Carbone. Ceci permettra à la communauté internationale d’atteindre l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C en 2100 avec une probabilité de 65% et à 2°C en 2100 avec une probabilité de 80% en l’état actuel des connaissances scientifiques »

Pourquoi les Etats ont-ils raisonné ainsi alors ? Ceci s’explique par le fait que le GIEC dans son dernier rapport (2007) propose une série d’indicateurs qui permettraient (conditionnel) d’atteindre l’objectif de 2°C. A cette époque, le GIEC ne disposait alors pas de quantification de probabilité, faute de données suffisantes. Les pays se sont donc reposés sur les chiffres clés suivants :

– réduction de 25 à 40% des émissions des pays industrialisés en 2020 par rapport à 1990, avec une déviation substantielle de tous les autres pays (exceptés les Pays les Moins Avancés) par rapport à leur tendance « business as usual » (soit une réduction de 15 à 30% par rapport à la trajectoire tendancielle)

– un maximum des émissions mondiales d’ici 2015

– réduction de 50 à 80% des émissions mondiales en 2050 par rapport à 1990.

On sait déjà que Copenhague n’a pas permis de fixer des objectifs comparables aux deux derniers points : tout au plus, il est mentionné que le maximum des émissions mondiales doit être atteint « aussi vite que possible » (sic). Le refus de fixer des réductions globales en 2050 a été porté par les pays émergents, qui veulent d’abord savoir à quoi s’engagent les pays développés pour savoir ce qu’il leur restera !

Aujourd’hui, nous pouvons comparer les engagements des pays sur le premier point (cf. paragraphe qui suit). Mais évidemment, se situer dans le haut ou dans le bas de la fourchette indiquée (25 ou 40%) a des conséquences en termes de probabilité d’atteindre l’objectif mondial ! Pourtant, les décideurs des pays développés se sont toujours contentés de vouloir atteindre le bas de la fourchette, comme si cela était aussi bien que d’atteindre le haut… Mais prenons acte de cet objectif  a minima ; est-on parti pour le respecter ?

Engagements dans le cadre de l’Accord : insuffisants pour les pays développés

Les pays avaient jusqu’au 31 janvier pour annoncer leur signature à l’Accord et leurs engagements de réductions ou d’actions nationales. Le Secrétariat a publié la liste en fin de journée.

Pas de bonne surprise : les engagements des pays industrialisés sont trop faibles pour atteindre le bas de la fourchette qui leur est fixée. D’après mes calculs (un premier ordre de grandeur), les engagements ne peuvent permettre une réduction agglomérée des pays industrialisés comprise entre 16% et 21%(*) par rapport à 1990, soit bien en-dessous de l’objectif minimum de -25%.

Concernant les pays en développement, les engagements respectifs de la Chine et du Brésil sont ambitieux : le Brésil veut réduire ses émissions de 36 à 39% par rapport à la trajectoire, tandis que la Chine veut (notamment) réduire son intensité énergétique de 40 à 45% d’ici 2020. L’Inde est moins ambitieuse avec une réduction de l’intensité énergétique de 20 à 25%, mais cela se comprend car ses émissions par tête sont bien moindres que celles du Brésil et de la Chine.

A noter que certains pays, tels que les Maldives, s’engagent à la neutralité carbone en 2020, soit une réduction de 100%.

Le monde se dirige sur un chemin bien loin de respecter l’objectif affiché de 2°C, par la faute des pays développés. De plus, l’objectif supposé de 1,5°C, que les Etats se disent prêts à envisager en 2015, ne sera plus atteignable à cette date, si les pays restent sur les trajectoires qu’ils affichent actuellement.

Copenhague est mort ! Vive… vive quoi ?

Rappelons que l’Accord de Copenhague est un processus bâtard : il a été décidé dans le cadre des négociations de la Convention Cadre des Nations Unies, mais il ne lui appartient pas car la Conférence des Parties a refusé de l’entériner. Très déçus par le blocage des discussions dans le cadre des Nations Unies, nombre de commentateurs ont appelé à une autre gouvernance internationale pour le climat ; on aurait pu espérer que l’Accord de Copenhague soit un premier pas dans ce sens.

Si les engagements obtenus avaient été significativement supérieurs à ceux envisagés dans le cadre des NU, on aurait pu apprécier la démarche. On même aurait pu comprendre les « sacrifices » imposés : mise au banc des trois-quarts de la communauté internationale, et en particulier des plus pauvres et des plus affectés par les changements climatiques. Mais il n’en est rien : l’Accord de Copenhague n’a rien permis d’obtenir de plus. Il a seulement participé à l’accroissement du manque de confiance entre les plus pauvres et les plus riches, entre les plus petits et les plus gros, entre les plus faibles et les plus puissants.

Et maintenant ? Nous sommes dans une situation embourbée. Il y a désormais 3 « trucs » qui organisent l’action internationale contre les changements climatiques. Je parle de « trucs » car on ne sait même pas s’ils sont engagements fermes ou processus de négociations. Il y a le Protocole de Kyoto, dont la suite et la survie sont négociés au sein des NU (groupe AWG-KP) ; il y a les négociations sur les engagements de long terme, toujours au sein des NU (groupe AWG-LCA) ; il y a l’Accord de Copenhague, mi-traité, mi-processus de négociations.

Notamment sous la pression du groupe BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine), les Nations unies devraient organiser des discussions d’ici juin prochain (prochaine réunion formelle à Bonn) et d’ici novembre (prochaine Conférence des Parties), toujours en suivant les deux processus de discussion (AWG-KP, AWG-LCA) organisés par le Plan d’Action de Bali. D’ailleurs les BASIC sèment le trouble : ils ont accepté de jouer le jeu des négociations parallèles à Copenhague, ils ont participé activement à l’écriture de l’Accord de Copenhague, mais ils réaffirment désormais que seules comptent les négociations au sein des Nations Unies et définies par le Plan d’Action de Bali !

Conclusions

L’action internationale est dans une situation très obscure ; les négociations à venir vont être d’une complexité inédite. Il y a fort à parier que les tensions entre Etat, déjà vives à Copenhague, vont être renforcées puisque les pays les plus pauvres et les plus vulnérables n’ont plus grand chose à perdre.

Encore une fois, la situation actuelle est le fait des pays développés, principaux responsables historiques, frileux à s’engager, peureux devant la reconduction du protocole de Kyoto, radins concernant l’aide internationale, anxieux face au développement des pays émergents. Bien triste monde.

(*) Edit 3 février : le WRI a produit une note qui réalise les calculs de manière plus précise et confirme l’ordre de grandeur des réductions indiqué dans cet article : les pays de l’Annexe I réduiraient de manière agglomérée de 12 à 19% leurs émissions en 2020 par rapport à 1990, suivant les hypothèses retenues (promesses hautes/basses, inclusion/exclusion du changement d’usage des sols).

Edit (2) : pour un autre constat de l’échec de Copenhague, voir le blog de Florent Baarsch.

Photo : source ici.

Réduction d’émissions : l’Inde parle de chiffres mais refuse d’être contrainte

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Actualisation en fin d’article

D’après Reuters, le gouvernement Indien devrait annoncer dans la journée du jeudi 3 décembre des objectifs chiffrés de réduction d’émissions de l’Inde, à partir de ces objectifs domestiques.

Toujours d’après Reuters, ces objectifs pourraient être une réduction de l’intensité carbone de l’économie (indicateur similaire à celui utilisé par la Chine) de 24% en 2020 par rapport à 2005 et de 37% en 2030.

Cependant, il n’est pas clair si le gouvernement annoncerait accepter une inscription de ces chiffres dans un accord international ou non.

Rappelons que la Chine parle de réduire son intensité carbone de 40 à 45% en 2020 par rapport à 2005. Rappelons également les émissions par tête de la Chine sont de l’ordre de 5 tCO2/pers/an et que celle de l’Inde sont de 1,5 tCO2/pers/an.

Il faut attendre confirmation de cette information ; et il est trop tot pour affirmer que cet engagement rentrerait dans le cadre des recommandations du GIEC pour obtenir une limitation du réchauffement à 2°C.

Actualisation à 16h30

D’après AP, qui résume les débats parlementaires sur le sujet et l’internvation du Premier Ministre, l’Inde serait prête à réduire son intensité carbone de 20 à 25% d’ici 2020 par rapport à 2005.

Contrairement à l’annonce chinoise, je n’ai pas connaissance d’éléments permettant d’indiquer si cet engagement permettrait d’atteindre l’objectif du GIEC de dévier les émissions de 25 à 30% par rapport au scénario « Business as usual ». Il est difficile de s’exprimer sur la valeur du chiffre avancé.

Mais l’Inde affirme explicitement refuser tout objectif chiffré contraignant à l’échelle internationale ou toute année de « pic » de ses émissions. Cette position intransigeante risque de poser de sérieux problèmes lors des négociations à Copenhague.

Rapport : l’avenir du photovoltaïque en Inde… et dans le monde

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Une bonne, une excellente nouvelle ! Dans un article du Monde, on apprend que l’Inde prévoit le développement massif du solaire photovoltaïque avec un plan de grand ampleur programmé à l’horizon 2050. Il n’est pas la peine de disserter plus, puisque le rapport n’est pas encore public -vivement septembre- ; l’article se suffit à lui-même !

L’Inde veut devenir un géant de l’énergie solaire

LE MONDE | 06.08.09 | 14h51  •  Mis à jour le 06.08.09 | 20h43

L’Inde pourrait investir 19 milliards de dollars (13 milliards d’euros) au cours des trente prochaines années pour accroître sa production d’énergie solaire. Un rapport, remis, lundi 3 août, au premier ministre Manmohan Singh, et auquel Le Monde a eu accès, fixe des objectifs de production de 20 000 mégawatts (MW) en 2020 et 200 000 MW en 2050, contre seulement 51 MW en 2009.

Le plan devrait être dévoilé en septembre, quelques semaines avant la conférence internationale de Copenhague sur le changement climatique, qui se tiendra en décembre. L’Inde, quatrième producteur mondial d’énergie éolienne, ne fournit que 0,1 % de l’énergie solaire du monde. Le pays, qui bénéficie pourtant de conditions d’ensoleillement avantageuses, produit ainsi cinquante fois moins d’énergie solaire que l’Allemagne, le leader mondial.

New Delhi n’encourage encore que timidement la promotion de l’énergie solaire. Le ministère indien des énergies renouvelables se contente actuellement de soutenir financièrement la construction de centrales solaires d’une capacité minimale de 50 MW. Le rapport remis au premier ministre préconise plutôt une politique de subvention des tarifs de rachat de l’énergie solaire, jusqu’à ce que ceux-ci se rapprochent de ceux du pétrole ou du charbon. Il est prévu qu’entre 2009 et 2020, le prix du kilowattheure solaire passe de 16 à 3 roupies (0,23 à 0,04 euro).

L’achat d’équipements solaires sera exempté de taxes, et les centrales solaires ne paieront pas d’impôts pendant dix ans. Les mesures prévues ne sont pas qu’incitatives : les grands complexes immobiliers auront l’obligation de s’équiper de panneaux solaires. Si les maisons individuelles choisissent cette alternative, l’Etat leur garantirait le rachat de leur surplus d’énergie. En cas de pannes de courant, fréquentes en Inde, les panneaux solaires pourraient alimenter les générateurs et faire économiser plus de 2 milliards de litres de diesel et de kérosène, par an. Un million de toits et 20 millions de foyers pourraient être équipés d’ici 2020.

Le solaire permettra de fournir de l’électricité à moindre coût aux populations isolées. Plus de la moitié des Indiens s’éclairent encore à la bougie ou aux générateurs. Et il est plus coûteux de raccorder un village isolé au réseau électrique que d’y installer une unité de production d’énergie solaire. Le gouvernement a promis d’électrifier l’ensemble du pays d’ici à 2012.

La Mission nationale solaire sera l’autorité centrale chargée de mettre en oeuvre cette nouvelle politique. Elle serait alimentée, dans un premier temps, par le budget de l’Etat, avant d’être financée directement par une taxe sur la vente d’énergies fossiles, comme le charbon ou le pétrole. Le gouvernement central compte aussi sur les Etats régionaux pour subventionner les tarifs de l’énergie solaire à hauteur de 30 %. Ils devront, sous peine d’amende, assurer une part plancher de leur consommation énergétique par le solaire. Tout dépassement de ce quota pourra être revendu à des Etats voisins sous forme de certificats.

Avec une prévision de ses besoins en électricité de l’ordre de 240 000 MW en 2020, l’Inde devrait couvrir 8,3 % du total de sa consommation grâce au solaire. Le pays, qui est actuellement le quatrième pollueur de la planète et tire 60 % de son énergie du charbon, réduirait ainsi sa production annuelle de dioxyde de carbone de 42 millions de tonnes d’ici à 2020. En 2007, il en a produit 430 millions de tonnes.

Avec l’avènement du solaire, la technologie deviendra le nerf de la guerre. Pour atteindre ses objectifs, l’Inde devra former environ 100 000 ingénieurs et techniciens. Le pays, déjà dépendant des importations de pétrole, ne veut pas se retrouver dans une nouvelle dépendance, à l’égard des brevets étrangers, cette fois.

En créant des parcs technologiques et en soutenant la recherche, la Mission nationale solaire veut encourager la naissance de champions nationaux, comme il en existe déjà dans l’éolien, avec Suzlon, cinquième constructeur mondial d’éoliennes. Douze entreprises, dont une filiale de Tata, devraient investir 11,4 milliards d’euros au cours des dix prochaines années, d’après les estimations du cabinet d’études RNCOS, basé à New Delhi.

« La réussite de ce plan va dépendre beaucoup de son financement. L’accès aux technologies solaires performantes risque de coûter cher. Nous avons besoin de l’assistance financière des pays riches », explique Sunita Narain, membre du Conseil indien du changement climatique.

Au sommet de Copenhague, l’Inde plaidera donc en faveur d’accords de transfert de technologie entre pays du Nord et du Sud, ceci afin de réussir sa reconversion dans les énergies propres. En revanche, New Delhi veut à tout prix éviter un engagement chiffré de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

Julien Bouissou

Article paru dans l’édition du 07.08.09.