Changements Climatiques

Les changements du monde par le climat

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Photovoltaïque, nucléaire, soutiens publics : l’hypocrisie du gouvernement français

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Le photovoltaïque serait une technologie « chère ». Pour sauvegarder le pouvoir d’achat du consommateur, il faut limiter son développement, d’après le gouvernement. Un diagramme fort simple suffit pourtant à comprendre l’hypocrisie des pouvoirs publics français.

Le Premier Ministre a voulu, mardi dernier devant le Conseil Economique, Social et Environnemental, clôturer les choix gouvernementaux concernant la filière photovoltaïque. La décision est prise : il y aura une limitation en volume d’installations annuelles (500 MW). Autant dire que le photovoltaïque est condamné à rester une énergie de décoration, sans développement d’ampleur et sans avenir en France, alors même que c’est une énergie renouvelable au potentiel extraordinaire  (mais je n’ai pas la place de développer ici).

Cette annonce fait suite à une campagne de communication gouvernementale visant à démontrer l’explosion des dépenses causées par le solaire (le fameux rapport Charpin). Car il est vrai que, le coût de production de l’électricité photovoltaïque est supérieur à celui du mix énergétique moyen actuel. Et il est également vrai que la plupart des panneaux installés en France aujourd’hui sont importés, notamment de Chine (mais pas uniquement). Mais se pose-t-on la question de savoir pourquoi cela ? L’essentiel de la réponse dans un graphique issu du dernier rapport du GIEC -qui tirait lui-même ses informations de l’Agence Internationale de l’Energie-.

Ci-dessous, la répartition des aides publiques à la Recherche et Développement, par type d’énergie, pour les 28 pays membres de l’Agence Internationale de l’Energie (i.e. les pays occidentaux) entre 1973 et 2003 :

On constate d’un simple coup d’oeil que :

  • La recherche dans la fission nucléaire (bleu clair) a reçu 47,3% des aides publiques à la R&D (134 milliards de dollars de 2004)
  • Les énergies renouvelables toutes confondues (jaune) ont reçu 8,1% des financements publics (24 milliards de dollars). Le photovoltaïque a eu droit quant à lui à 2,2% des subventions publiques (6 milliards de dollars).
  • Les renouvelables ont été moins financées que les énergies fossiles (12,7% soit 37 milliards) et même été moins que la fusion nucléaire (10,5% soit 31 milliards) !

Il est intéressant de rapporter cette répartition à celle de l’approvisionnement énergétique actuel (toujours selon l’AIE) :

  • La fission nucléaire fournit 5,8% des l’énergie primaire mondiale
  • Les renouvelables, malgré leur faible subventionnement, fournissent d’ores et déjà 12,9% de l’énergie primaire mondiale
  • La fusion nucléaire ne fournit aucun kWh et n’en fournira probablement pas avant la fin du siècle

Pour accentuer encore le diagnostic, il faut considérer que :

  • ces statistiques sont celles agrégées de tous les pays de l’AIE (incluant l’Allemagne et le Japon, champions du photovoltaïque). Il n’y a pas de peine à imaginer que dans le cas de la France, les différences de subventions ont été encore bien plus marquées en faveur du nucléaire
  • on n’a regardé ici que les subventions directes d’aide à la Recherche et Développement. Or les aides publiques au nucléaire et aux énergies conventionnelles sont en réalité bien plus importantes et très diversifiées (ce serait trop long à développer ici, mais c’est une chose bien connue).
  • on ne compte pas tous les coûts  « indirects » liés au nucléaire (déchets, risques terroristes etc. et aux ressources fossiles (émissions de gaz à effet de serre, pollutions locales etc.) qui sont évités par le photovoltaïque

C’est extraordinaire : le gouvernement souhaiterait que le photovoltaïque soit aussi compétitif que le nucléaire (qui représente 83% de notre mix électrique), alors que cette technologie a reçu 22 fois moins de subventions publiques dans les pays de l’AIE (et encore moins pour le cas de la France).

Les coûts de production du photovoltaïque ne font que décroître rapidement : d’ici 2020, il sera être compétitif avec l’électricité conventionnelle, ce qui annoncera le développement à grande échelle sans plus aucune subvention publique (constat auquel même le rapport Charpin, p7 s’accorde). Malheureusement, les panneaux seront toujours chinois, allemands, japonais ou américains… car aucune filière française n’aura pu se structurer vu le manque de soutien public pendant la phase d’amorçage. Et on continuera à dénoncer le déficit commercial lié au photovoltaïque, pour mieux supporter le tout nucléaire.

C’est bien dommage, car nous disposons en France d’excellents physiciens et industriels qui seraient en mesure de nous faire rattraper rapidement une grande partie du retard techno-scientifique, à condition qu’ils reçoivent autant de financements qu’ils en ont eu pour nucléaire au cours des 40 dernières années.

Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas réformer les tarifs de rachats qui conduisent à des rentes superflues et des dépenses exagérées -personne ne dit cela-, mais il faudrait le faire de manière à permettre réellement la structuration d’une industrie locale (réduction progressive des tarifs d’achats, comme proposé par les acteurs de la filière et par la Ministre de l’Environnement). Et surtout, il ne faudrait pas s’arc-bouter sur une analyse hypocrite et malhonnête des coûts supposés pour la collectivité, qui ne considère qu’une partie de la réalité. En plus, ça risque de se voir.

 

Sources :

Assessment Report 4, IPCC, Working Group 3, Chap 13, Figure 13.1

– Et le détail chiffré dans le document de l’AIE : Renewable Energy, markets and policy trends in IEA countries, 2004

Non, l’atmosphère n’est pas brulée par le dragon chinois !

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Article publié initialement sur adopt a negotiator.

 

Edit : je renvoie ici vers le poste de ma collègue tracker Chine, qui publie une lettre ouverte d’ONG chinoises aux Etats-Unis. Instructif et complémentaire !

Il a été souligné dans les médias  que la Chine accueille pour la première fois une négociation sur le climat… avec généralement soit un commentaire pour indiquer que cela est un espoir, soit un commentaire pour pointer du doigt la responsabilité chinoise (voir par exemple ici). Si ce n’est pas vraiment l‘avis de Radio Chine International qui relaie largement les propos élogieux de Mme Figueres vis à vis de la Chine -propos certes réels mais prononcés dans un cadre très protocolaire-, cette croyance que le premier pollueur mondial est le principal coupable est facilement partagée dans l’opinion publique chez nous, en Europe (ou en Occident). Pourtant la situation n’est pas si simple. Eléments d’analyse.

Il est vrai que…

  • la Chine est passée premier émetteur mondial avec 24% des émissions mondiales en 2008 (contre 22% pour les USA, 12% pour l’UE, 8% pour l’Inde).
  • ses émissions ont doublé entre 1996 et 2006
  • en 2007, les émissions chinoises ont augmenté de 8% et ont été responsables des deux tiers de l’accroissement des émissions mondiales
  • la Chine est le premier marché mondial de voitures en 2009
  • la moitié du ciment mondial est produit en Chine (et compte pour 20% de ses émissions)
  • le charbon représente 83% de la production énergétique, avec une croissance de consommation de 6,8% en 2008

Mais…

De ce constat factuel clairement en défaveur de la Chine, il serait erroné de tirer des conséquences immédiates en termes de responsabilité et de nécessité d’action. Les vérités évidentes sont souvent trompeuses.

Car, si l’on accepte de réfléchir en termes d’équité, il est important de considérer :

  • la responsabilité historique : ce qui compte n’est pas le flux (les émissions), mais le stock d’espace atmosphérique consommé (les émissions cumulées depuis la moitié du XIXème siècle). De ce point de vue, les Etats-Unis sont responsables de 29% des émissions cumulées, soit plus de trois fois les émissions cumulées de la Chine (pour une « population cumulée » bien moindre aux Etats-Unis évidemment).
  • les émissions par tête : les émissions moyennes par tête sont de 4,5 tonnes de CO2, contre 19,8 tonne par personne aux Etats-Unis
  • la cause des émissions : les deux tiers des exports chinois sont destinés aux Etats-Unis, Japon, UE et Australie. La Chine émet donc des gaz à effet de serre pour le consommateur occidental (ce dernier n’en est-il pas au moins partiellement responsable en choisissant d’acheter moins cher et donc plus polluant?)

Il existe de grandes disparités entre les émissions individuelles, une grande partie de la population chinoise restant dans une grande pauvreté. Les données moyennes ne sont donc probablement pas les meilleures en termes d’équité individuelle, mais ce sont celles qui sont pertinentes en termes de négociations sur le climat puisque l’unité de base est le pays.

Alors, certes, on peut tenir le raisonnement selon lequel les Chinois étaient heureux avant et n’ont pas à avoir nécessairement un mode de consommation à l’occidental. On peut critiquer cette croissance économique à un rythme effréné.

Ces deux réactions reflètent probablement assez bien notre perception occidentale de la propriété : nous n’avions pas de problème lorsque vous n’étiez pas là, nous possédions l’espace atmosphérique (droit de propriété = usus, fructus, abusus), il n’y a pas de raison de le partager. Mais cela rentre en conflit avec un autre principe occidental majeur : les droits de l’homme (que nous défendons d’ailleurs, à juste titre, lorsqu’il s’agit des libertés politiques en Chine). En effet, rattacher l’accès à un bien commun mondial aux droits de l’homme semble plutôt raisonnable, non ? Et si le droit de propriété est inférieur aux droits de l’homme (nous sommes bien contre l’esclavage), alors nous devons logiquement partager l’atmosphère avec nos voisins chinois. Il s’agit simplement d’être cohérent avec nos valeurs. Il y a, de plus, l’argument de symétrie : appliquons aux autres les principes que nous nous appliquons à nous-mêmes (par exemple, nous nous accordons le droit à la croissance afin d’éradiquer la pauvreté). Etant donné que les Chinois ont eux-aussi une notion de l’équité, il faut enfin ajouter l’argument du réalisme : nous ne pouvons pas empêcher les Chinois d’émettre (pour que, nous, puissions nous continuer à polluer), sauf à employer la force.

Qu’en est-il de l’avenir ?

Après tout, de tels constats ne disent rien sur les négociations et le futur sur lequel elles se portent.

La Chine ne fait-elle aucun effort ? Il faut savoir que :

  • la Chine a mené une politique de remplacement de ses centrales à charbon avec les technologies de pointe (les centrales installées en Chine sont plus efficaces que celles des Etats-Unis)
  • la Chine est leader dans les énergies renouvelables (40% de la production mondiale de panneaux photovoltaïques, 3ème parc mondial éolien et celui avec la plus forte croissance…)
  • des investissements dans le futur : 7,3 milliards de dollars investis dans les réseaux intelligents (premier investissement mondial) afin d’économiser l’électricité et d’intégrer les renouvelables ; plus grand investisseur dans les énergies dites « propres » (35 milliards de dollars en 2009).
  • Transports : les standards chinois pour les véhicules sont parmi les plus stricts du monde ; un réseau de TGV de 4000 miles (le plus grand du monde), plus 6200 miles en construction.
  • Son plan de relance avait le volet « vert » le plus important du monde (221 mds de dollars, soit deux fois celui des Etats-Unis)

Evidemment, ce qui compte est l’engagement global. Actuellement, la position officielle, inflexible, est la suivante :

  • réduction de l’intensité carbone de la production de 40 à 45% d’ici 2020 par rapport à 2005
  • accroissement des énergies non fossiles à 15% de la production primaire
  • accroissement de la couverture forestière de 40 millions d’hectares en 2020 par rapport à 2005

Donc…

Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : cela ne garantit pas que la Chine fasse suffisamment pour permettre de limiter l’accroissement de la température à 2°C en 2100… En particulier si on considère que d’autres pays ont droit à leur « part » d’espace atmosphérique alors qu’ils n’y touchent presque pas actuellement (les pays africains, les pays moins avancés).

On pourrait par exemple demander à la Chine :

  • une réduction accrue de l’usage du charbon (mais cela s’appliquerait aussi à l’Europe de l’Est, à l’Afrique du Sud, aux Etats-Unis… cela correspond à un abandon d’usage d’une ressource énergétique bon marché, comparable à la sortie du pétrole).
  • surtout, qu’elle accepte une limitation de ses émissions en valeur absolue, afin d’empêcher que la réduction de l’intensité carbone soit plus que compensée par sa croissance économique et démographique (ce qui est fort probable). Ceci permettrait d’offrir une réelle visibilité au monde et une justice accrue (là encore, attention ! Cette envie de justice n’est pas pour nous, occidentaux qui avons déjà largement consommé notre part, mais pour les plus pauvres !).

Sans simplement suivre la communication faite par la Chine sur ses propres mérites (on rappellera que le Danemark faisait de même à Copenhague), je voulais ici souligner qu’il faut se méfier sérieusement de la paille dans l’oeil du voisin. La Chine n’est surement pas un élève parfait, mais elle possède de sacrés arguments en termes d’équité et d’action politique… Malheureusement, en face d’elle, il n’existe personne  assez volontariste pour remettre en cause ces arguments par d’autres arguments plus solides (les pays occidentaux ne prévoient pas suffisamment de réductions d’émissions). Nous risquons donc un statu quo de la médiocrité…

Sources : les chiffres proviennent de plusieurs sources écrites directes et indirectes sérieuses… que je pourrais fournir en cas de besoin à qui le demanderait.

Copenhague : promesses des pays développés

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Suites aux articles déjà écrits sur le sujet sur ce modeste blog, je recommande activement l’utilisation de ce module interactif proposé par le World Ressource Institute et qui permet de visualiser les engagements des Pays de l’Annexe I

Written by ToM

9 décembre 2009 at 17 h 43 mi

Atténuation des émissions de GES : l’UE doit faire plus, l’UE peut réduire de 40%

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Comme déjà écrit, les engagements des pays développés annoncés dans les promesses nationales sont insuffisants actuellement (la somme des promesses aboutit à des réductions de 10 à 24% en 2020 par rapport à 1990, alors qu’on a besoin de 25 à 40%… et plutot 40%). Au sein de ces promesses, celle de l’UE, au travers de son paquet climat-énergie, est de 30% de réduction en 2020 par rapport à 1990, sous réserve que les autres fassent des efforts comparables.

Le projet de loi examiné par le Congrès des Etats-Unis propose des engagements du même ordre de grandeur voire supérieurs à ceux de l’UE ; idem pour le Japon ; idem pour l’Australie (plan qui vient d’être rejeté par le Sénat malheureusement, mais qui sera représenté par le gouvernement)… Le problème est que tous ces Etats ont un train de retard, principalement à cause de leurs gouvernements climato-négationistes (celui de Bush en premier) ; seule l’Europe a su diminuer ses émissions de GES depuis 1990. Afin de pouvoir augmenter les réductions globales des pays développés, ce qui est nécessaire pour permettre un accord à Copenhague, l’UE doit accepter de maintenir son leadership en augmentant encore son objectif de réductions à 40%, ce qui « soulagerait » partiellement le groupe des pays industrialisés.

Le Stockholm Environment Institute vient de publier une étude qui montre qu’une telle ambition est tout à fait réaliste, et ce même en excluant les « fausse bonnes solutions ».

L’étude effectue une analyse secteur par secteur (industrie, transports, production d’électricité, bâtiments, agriculture, usage des sols…) des atténuations possibles. Elle réalise une estimation des coûts. L’étude s’intéresse également à la responsabilité financière de l’UE vis à vis des pays du sud.

Principaux résultats :

  • il est possible pour l’UE de réduire ses émissions de 40% en 2020 par rapport à 1990, puis de 90% en 2050.

Et ceci en remplissant les conditions suivantes :

– pas de nucléaire nouveau, sortie progressive du nucléaire actuel

– pas de production d’électricité à partir des énergies fossiles

– pas d’agrocarburants (européens ou étrangers)

– pas de CCS

– pas de mécanismes de compensation (offset) à l’étranger

– une approche bottom-up à partir des disponibles commercialement ou prochainement (2020-2030)

– exclusion de technologies encore trop incertaines (hydrogène, agro-carburants de seconde génération)

– réduction des inégalités entre les pays membres de l’Ue

– pleine coopération des pays membres et mise en place de politiques adaptées (ces mesures politiques sont détaillées par secteur).

  • il n’y a pas de récession économique. Dans le scénario d’atténuation, le PIB st multiplié par 1,6 en 2050 au lieu de 1,8 dans le scénario de base.

  • le coût incrémental serait, sur la période 2010-2020, de 2 000 milliards d’€, soit environ 2% du PIB de l’UE sur la même période. Les auteurs indiquent que d’autres études aux objectifs  similaires trouvent des coûts comparables (entre 1 et 3% du PIB cumulé). Cela revient à faire stagner le PIB pendant un an, puis le retour à une croissance normale ensuite.
  • Les auteurs estiment la part équitable de l’UE dans le financement destinés aux pays du sud à entre 150 et 450 milliards d’€ en 2020 (soit entre 1,1 et 3,3% du PIB projeté à cette date).

Ce scénario proposé par ce très sérieux institut de recherche offre des perspectives positives. L’approche globale (technologies, coûts, politiques, équité nord-sud), bottom-up et sectorielle est particulièrement intéressante.

Si elle veut vraiment être utile au climat tout en gardant son leadership affirmé, l’UE doit faire plus que ce qu’elle propose actuellement. Elle le peut.

Pour plus de détails méthodologiques, se reporter à l’étude directement (en anglais). Voir l’article d’Euractiv.

Réductions des GES : quelle probabilité de ne pas dépasser 2°C ?

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L’atténuation des émissions est l’un des éléments central des discussions pour Copenhague : combien réduira-t-on nos émissions mondiales ? qui doit faire quoi ? D’autres enjeux sont très importants (financement, adaptation, transfert de technologie en particulier), mais l’atténuation est le déterminant de l’avenir climatique planétaire et la source d’une redistribution des richesses. C’est un point de blocage crucial.

Alors que l’Inde souffle le chaud et le froid (le chef de la délégation semble s’opposer à son ministre sur la possibilité d’objectifs chiffrés), la Chine, les Etats-Unis et la Russie ont redonné des bribes d’espoirs qu’un accord peut être trouvé. Cependant la situation semble encore difficile : les pays développés ne font probablement pas assez d’efforts. Mais « pas assez d’efforts » par rapport à quoi ? Retour sur les objectifs et enjeux de l’atténuation.

Les données du GIEC sont la référence

Partant du principe qu’il faudrait réduire à 2°C l’accroissement de la température en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle (ce qui implique une stabilisation de la concentration en GES de 450 ppm équivalent CO2), les négociations se focalisent sur quelques chiffres identifiés par le GIEC dans son rapport de 2007 (AR4), chapitre 13, box 13.7 :

Les chiffres clés sont donc :

  • les émissions des pays industrialisés réduites de 25 à 40% en 2020 par rapport à 1990
  • les émissions des pays en développement « déviées substantiellement du scénario business as usual (BAU) » -on considère généralement que cela signifie une déviation de 15 à 30% par rapport à la courbe BAU-
  • les émissions mondiales réduites de 50 à 85% en 2050 par rapport à 1990, et pour cela que les émissions des pays industrialisés soient réduites de 80 à 95% en 2050

Tout d’abord rappelons que cet objectif du GIEC conduit à une stabilisation de la température entre à +2°C et +2,4°C et pas à « moins de 2°C » (ceci est rarement dit, même si l’UNFCCC ne l’oublie pas dans la Facts Sheet)…

Mais surtout, on constate que les chiffres exprimés sont des émissions, c’est à dire des flux ; or, ce qui importe dun point de vue géophysique, c’est la concentration en GES, donc le stock. D’un point de vue géophysique, il convient de regarder le stock : les conséquences en termes de flux en sont déduites, et non l’inverse, comme les négociations internationales pourraient pousser à le faire : tout le monde se focalise sur les émissions en 2020 et en 2050.

En effet, les pays développés font des promesses qui, jusqu’à présent en tout cas, ne permettraient pas d’atteindre le -25% d’émissions en 2020 (les estimations les plus optimistes arrivent à -24% dans le meilleur des cas). Et dans les déclarations politiques des pays développés, cette fourchette de -25 à -40% est souvent citée, mais sans jamais préciser que le résultat en termes de températures sera très différent selon qu’on se situe en haut ou en bas de la fourchette. D’ailleurs, les pays africains réclament -40%, les petits Etats insulaires demandent -45%. Ce constat est également vrai pour l’objectif en 2050, pour lequel les pays développés parlent d’une division par deux des émissions mondiales « au moins ».

Limites de ces chiffres

Notons également que cette analyse du GIEC est présente dans le rapport III -qui s’intéresse aux politiques- et non dans le rapport I -qui s’intéresse à la géophysique-. En effet, le groupe I ne disposait pas en 2007 des résultats de simulations des différents modèles en fonction des différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre. Pour obtenir son résultat, le groupe III a effectué une régression à partir des estimations de forçage radiatif en 2100 (induit par différentes concentrations en GES) pour déterminer le réchauffement conséquent.

L’étude de Meinshausen et al. (2009) permet d’aller plus loin en probabilisant les possibilités de dépasser un niveau de réchauffement en fonction d’un budget d’émissions totales de GES (i.e. en utilisant des résultats de scénarios qui manquaient en 2007). Cette probabilisation correspond à la prise en compte des incertitudes relatives à chacun des très nombreux paramètres qui déterminent la réponse du climat à une concentration en GES. Ces paramètres influent également sur la concentration en GES, en fonction des émissions, par l’intermédiaire de phénomènes de rétroactions positives ou négatives (réduction de l’absorption du CO2 par les océans à cause de l’acidification…).

Les résultats

Afin d’avoir une chance sur deux de ne pas dépasser +2°C, il faut limiter l’ensemble des émissions de GES (des six gaz inclus dans le protocole de Kyoto) à 1500 Gt eq. CO2 émis entre 2000 et 2050. Avec un budget de 2000 Gt eq. CO2 les chances de ne pas dépasser +2°C ne sont plus que de 25%.

On peut traduire cela en termes d’émissions en 2050. Une division par deux des émissions mondiales de GES par rapport à 1990 (soit 18 Gt eq. CO2 par an) offre une probabilité de 79% de ne pas dépasser l’objectif du +2°C. Mais la probabilité doit être remise dans son contexte : elle varie en fonction du chemin suivi pour diminuer les émissions entre 55% et 88%.

Les données en termes d’émissions en 2020 sont nettement moins certaines au plan géophysique ; pour voir les probabilités associées, se reporter au tableau ci-dessous.

Pour l’objectif en 2020, on note la très forte probabilité (74%) de dépasser l’objectif de 2°C si les émissions sont de 50 Gt CO2 eq. par an en 2020.

A titre de repère, en 2005, les seules émissions de CO2 étaient de 27,5 Gt (source : WRI). En 2007, les émissions (tous gaz) des pays industrialisés (source : UNFCCC) représentaient de l’ordre de 18 Gt eq. CO2.

Conclusions

Les chiffres utilisés dans les médias et, de fait, dans les négociations sont globalement corrects pour conduire vers une augmentation maximale de 2°C (proba de 79% pour le chiffre de 2050). Cependant, ces « points de passage » en 2020 et 2050 ne sont pas suffisants puisqu’ils ne disent rien sur la concentration et une réflexion en termes de « budget global » à se partager serait plus pertinente et moins incertaine. En choisissant ou refusant certaines cibles intermédiaires, les Etats pourraient faire chuter jusqu’à 55% la probabilité d’atteindre l’objectif du +2°C.

Référence : Meinshausen, M. et al., (2009) Greenhouse-gas emission targets for
limiting global warming to 2°C. Nature 458, 1158-1162.

« Diagnostic pour Copenhague » : piqure de rappel scientifique

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Un document de synthèse sur les avancées en termes de connaissance vient d’être publié : il est glaçant tant la situation est plus grave qu’anticipée. Cela est particulièrement visible concernant les effets observés (augmentation du niveau de la mer de 80% supérieur à celui anticipé par le GIEC par exemple) ; mais à la veille de Copenhague, on s’intéresse à la partie relatives aux politiques d’atténuation.

Ce rapport intitulé « Copenhagen diagnosis » est une publication type « peer-review » (revue par les pairs), exactement comme les publications du GIEC : il ne s’agit pas de nouvelles données, mais d’un résumé cohérent et transversal des connaissances. L’objectif des auteurs est de produire un document d’étape depuis la dernière publication du GIEC (2007) et avant la prochaine (qui aura lieu en 2013 au plus tôt). Résumé en français ici.

+7°C en 2100 ?

Les dernières estimations donnent un réchauffement moyen en 2100 supérieur aux précédentes estimations en cas de « business as usual » (on continue sans rien faire) : en 2100 la température moyenne du globe serait de 4 à 7°C à celle de l’ère pré-industrielle.

Les auteurs rappellent deux éléments bien connus :

– l’augmentation de température ne sera pas régulière (à cause de cycles de durée plus courte, 11 ans pour le soleils, irruptions volcaniques…).

– le pic de température ne sera probablement pas atteint avant des siècles après le pic des émissions, du fait de l’inertie du système Terre (principalement due aux océans).

L’urgence de l’action

La température d’équilibre dépend en premier lieu de la quantité totale de CO2 injectée dans le système, puisque c’est un gaz à effet de serre à longue durée de vie.

Quelles seraient des trajectoires compatibles avec l’objectif +2°C en 2100 ?

Si nous émettons un total de 1000 Gt de CO2 entre 2000 et 2050, la probabilité d’atteindre cet objectif est de 75%.

Or, nous avons déjà émis 350 Gt de CO2 ; il ne reste donc plus que 650 Gt de CO2 à consommer et à se partager.

Voici différentes trajectoires compatibles avec un scénario d’émissions de 750 Gt CO2, (67% de chances de ne pas dépasser le +2°C) :

Ces trajectoires seront extrêmement difficiles à suivre, tant les réductions sont importantes et urgentes.

La courbe verte impliquerait un pic en 2011 et des émissions de 4 Gt de CO2 en 2050, soit moins de 0,5 tCO2 par an et par personne (avec 9 milliards d’humains), ce qui est extrêmement faible (rappelons qu’actuellement les émissions d’un américain ou canadien ou australien sont de l’ordre de 20 tCO2/an/pers ; celles d’un européen de 11 tCO2/an/pers ; celles d’un Chinois de 5 tCO2/an/pers ; celles d’un Indien de 1,5 tCO2/an/pers.).

Les deux autres courbes, plus réalistes en termes de pic des émissions mondiales, impliquent d’atteindre un bilan carbone neutre entre 2040 et 2050.

Rappelons que les objectifs politiques affichés (officiellement par l’UE notamment) sont de réduire les émissions mondiales « d’au moins 50% en 2050 » (par rapport à 1990). Cet objectif impliquerait un très fort dépassement du budget 1000 Gt de CO2 et réduirait d’autant les chances d’atteindre le 2°C max en 2100. Et pourtant les promesses actuelles des pays développés ne permettraient même pas de réaliser l’effort nécessaire qui leur incombe pour atteindre une (petite) réduction de 50% à l’échelle mondiale.

Pessimisme

En somme, on peut actuellement dire qu’il est presque impossible d’atteindre l’objectif de 2°C. C’est difficile de se l’avouer, mais en réalité on le savait déjà quelques temps. Espérons que cela donnera un coup de fouet aux pays à Copenhague. On peut toujours rêver.

(Si j’ai un peu de temps, je reviendrai sur les autres parties de cette étude relatives aux effets des changements).

Etude de WWF et Allianz sur les conséquences du franchissement de quatre effet de seuil

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Il est toujours intéressant de regarder ce que couvrent les assureurs. Par exemple, il est courant que dans un contrat d’assurance de carte bancaire de bas, il soit fait explicitement mention d’une catastrophe nucléaire (parfois exprimée en des termes cachés tels « rayonnement ionisants ») civile ou militaire est une close suspensive de toute garantie. Si, si, regardez votre contrat ! De manière similaire, il est symptomatique que les assureurs refusent d’apporter des garanties à l’utilisation de produits OGMs. Dans les deux cas, le risque est tel qu’il n’est pas quantifiable et ne peut donc pas faire l’objet d’une couverture assurancielle.

Ce que publient WWF et Allianz aujourd’hui (voir ici le rapport complet) est donc particulièrement intéressant. Les auteurs s’attachent à quantifier les conséquences du franchissement de seuils critiques lors du réchauffement climatique. Ils prennent quatre exemples (montée du niveau de la mer avec anomalie sur la côte est nord-américaine, modifications du régime de mousson indienne, dépérissement et inondations en Amazonie, aridité dans le sud-ouest de l’Amérique du nord) et analysent les conséquences économiques du franchissement d’un « seuil de basculement ».

Très brièvement (faute de temps), un résultat : la modification de la mousson indienne pourrait conduire à une augmentation des sécheresses, pour un coût par décade de 42 milliards de $ aux alentours de 2050 (en dollars d’aujourd’hui). Cette somme n’est pas négligeable. Et les assureurs le savent bien.

Le point sur les promesses d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre des négociations sur le climat

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Une étude de Le Quéré et al. vient de paraître dans Nature Geoscience, indiquant que les émissions de CO2 d’origine énergétique ont augmenté de 48% entre 1990 et 2008. Mais surtout, l’étude indique, malgré une forte incertitude, une réduction des puits naturels de carbone (océan, biosphère), puisque le carbone émis restant dans l’atmosphère chaque année serait passé de 40% à 45% entre 1959 et 2008 (voir le résumé sur le blog Libé Sciences). Cette étude renforce les craintes de l’activation de « rétroactions positives », qui accentueraient/accélèreraient le changement climatique.

Toujours est-il que les petites négociations des petits humains continuent, afin de pouvoir ralentir et atténuer la catastrophe en cours. Il est peut-être nécessaire de faire le point sur l’état des engagements des pays développés (dits de « l’Annexe I »), élément clé de la négociation en cours.

Le GIEC a établi un scénario qui permettrait de limiter le « réchauffement à 2°C en 2100 », objectif politique maintenant largement repris (même si certains y renoncent), voir le post ici). En fait, pour être précis, le scénario du GIEC vise à limiter le réchauffement entre 2,1 et 2,4°C à long terme. Ce scénario oblige une déviation substantielle des pays émergents de leur scénario « business as usual » et une réduction de 25 à 40% des émissions des pays développés en 2020 par rapport à 1990. Sachant que même en respectant ce scénario, d’après plusieurs études, il y a environ une chance sur deux de dépasser l’objectif du 2°C en 2100. Il faudrait donc viser le haut de la fourchette.

L’insuffisance incontestable des engagements des pays industrialisés

Lors de la dernière séance de négociations, plusieurs chiffres ont circulé, relativement semblables et indiquant l’insuffisance des efforts des pays développés. Mais reprenons les plus officiels : ceux compilés par le secrétariat de la convention des Nations unies contre les changements climatiques (UNFCCC).

En agrégeant tous les engagements des pays développés (y compris les Etats-Unis), la réduction de leurs émissions n’atteindrait que 11 à 14% en 2020 par rapport à 1990. Ce qui serait très insuffisant en comparaison avec le scénario du GIEC (motif de blocage des négociations).

Une autre source est cet intéressant document du WRI, qui propose d’effectuer une comparaison en termes de réduction absolues, par tête et en intensité énergétique. Le premier indicateur permet de juger de l’efficacité environnementale des objectifs ; le second permet de juger de la tendance en termes d’équité ; le troisième permet de mesurer l’effort imposé à l’économie.

Ce qui est intéressant avec cette analyse est que concernant les Etats-Unis, elle ne considère pas uniquement les engagements obtenus par le système du cap and trade inclus dans la législation en cours de discussion devant le Congrès (ACESA ou CEJAPA, suivant quelle version considérée), mais également les réductions qui pourraient avoir lieu par ailleurs dans d’autres mesures (standards d’efficacité…) et par de la compensation (voir le détail de l’étude du WRI sur les Etats-Unis ici). Concernant la compensation, l’étude considère que celle-ci est bien effective et additionnelle aux réductions effectuées par les pays en développement.

L’étude prend pour chaque pays les engagements faibles et les engagements forts annoncés, ce qui permet d’établir des fourchettes.

Concernant les réductions absolues, les conclusions du WRI sont très similaires à celles du secrétariat, indiquant qu’elles n’atteindraient que 10% par rapport à 1990 (dans le cas des engagements faibles) et 24% (dans le cas d’engagements forts et d’inclusion du changement d’usage des sols). Dans le meilleur des cas, les pays développés n’atteignent pas même le minimum de la fourchette identifiée par le GIEC ; on est loin des 40% de réduction demandés par les pays pauvres afin de minimiser d’autant les risques d’un dépassement du 2°C.

Le choix de l’année de référence

Le choix de l’année de référence est source d’intenses négociations, certains pays voulant abandonner 1990 pour 2000 ou 2005. Cette bataille s’explique parce que la répartition des émissions de GES a évalué en 15 ans : la chute de l’URSS et l’administration Bush sont passées par là. L’ex URSS a intérêt à garder 1990 comme année de référence car cela permet une augmentation des émissions par rapport à aujourd’hui, tout en affichant une réduction par rapport à 1990 (les émissions s’étant effondrées entre temps). Inversement, les USA ont intérêt à ce que l’année de référence soit la plus tardive possible : leurs émissions ayant augmenté, le même objectif en valeur absolue se traduit par une plus forte réduction en pourcentage avec 2005 comme année de référence qu’avec 1990. Voir la comparaison ci-dessous (avec 2005 en année de référence, les Etats-Unis sont bien plus ambitieux en termes de réductions relatives que l’UE !).

Mais soyons honnête : il serait plus logique de garder 1990. D’abord parce que c’est l’année de référence du protocole de Kyoto, ensuite parce que le scénario du GIEC repose sur 1990 (il faudrait donc tout actualiser), enfin parce que -si on ne regarde que les réductions en %- il est logique de récompensé ceux qui n’ont pas attendu pour agir (l’UE en particulier).

Emissions par têtes

L’idée est qu’à long terme, les émissions par tête devraient tendre à s’égaliser, sur la base d’un principe simple : tous les humains ont droit de jouir à égalité de la ressource « atmosphère ».

Le tableau ci-dessous regroupe les émissions par têtes.

On remarque l’évolution des émissions par tête de la Russie, avec une forte augmentation par rapport à 2005… Clairement, l’engagement de la Russie n’est pas équitable.

Intensité carbone de l’économie

Afin de pouvoir comparer les économies, cet indicateur fait le ratio des émissions par la création de richesse.

Intensité carbone de l’économie (en GgCO2 équiv./million § de 1990)

On remarque la très faible intensité actuelle et future de la Norvège ; les Etats-Unis se rapprocheraient de l’intensité de l’UE ; la Russie verrait son intensité carbone diminuer significativement malgré un niveau encore élevé.

En conclusion

JL Borloo a raison de dire qu’on a un problème avec les Etats-Unis, si on considère uniquement les réductions domestiques par cap and trade, ce qu’on fait généralement. L’étude du WRI donne un peu d’espoir, en indiquant qu’en utilisant des mécanismes de flexibilité, les Etats-Unis peuvent aller plus loin, et presque rejoindre l’UE en termes de réductions par rapport à 1990. Mais dans ce cas, on peut considérer c’est l’UE qui ne va pas assez loin, puisque cette dernière n’a pas le retard accumulé par les Etats-Unis sous l’administration Bush.

Oui, les Etats-Unis n’ont pas annoncé d’objectifs chiffrés pour l’instant ; mais comme l’a souligné Yvo de Boer lors de la conclusion des discussions de Barcelone, ils pourraient venir avec un chiffre à Copenhague, il faut qu’ils le fassent. Et dans ce cas, l’UE ne sera plus forcément à son avantage avec son petit 30% de réductions…

Désolé pour la mauvaise qualité des tableaux et diagramme ci-dessus… vous pouvez les retrouver dans le document original.

L’AIE invente des réserves de pétrole et s’inquiète

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D’après cet étonnant article du Guardian, l’AIE aurait délibérément sur-estimé les capacités de production mondiale de pétrole pour les années à venir. Et ceci dans un but de ne pas effrayer les Américains… Cette information provient de la déclaration de deux analystes séniors de l’AIE ; de quoi se demander si la fuite n’est pas organisée (« on fait des scénarios, mais ne les écoutez pas, ils sont faux. En fait c’est pire que ca ! »).

En 2005, la production était estimée à 120 millions de baril par jour en 2030 ; l’année dernière, l’AIE a abaissé le chiffre à 105 ; aujourd’hui, en interne, un maintien à 90-95 millions par jour ne semble plus possible.

Cette information est importante. D’un côté, cela est une bonne nouvelle : les prix du pétrole vont rester hauts et augmenter régulièrement, ce qui favorise les alternatives.  Encore faut-il savoir quelles alternatives : certaines sont décarbonées (renouvelables), d’autres encore plus carbonées (charbon)… Le résultat pour l’environnement reste incertain, mais peut potentiellement catalyser un changement positif.

En revanche, la mauvaise nouvelle est évidemment sociale. Le monde n’est pas prêt, le choc pourrait être violent, en particulier socialement. Et quand on voit la réaction de l’opinion face à la taxe carbone, il y a de quoi s’inquiéter…

Enfin, cela induit également une augmentation de la rente pétrolière : plus de profits pour les exploitants pétroliers, et un transfert de richesses accéléré des pays importateurs vers les pays exportateurs de pétrole.

Bref, la construction d’un modèle énergétique sobre, intelligent et renouvelable est urgent ! Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, mais quelques éléments supplémentaires de croire que cette analyse est juste.

Rapport AIE publié à Bangkok pour un scénario énergétique « 450 ppm-compatible » : tromperie ?

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Afin de stimuler les négociations à Bangkok, l’Agence Internationale de l’Energie a publié mardi 6 octobre une version abrégée de son rapport annuel (World Energy Outlook). Dans ce pre-rapport (How the energy sector can deliver on a climate agreement in Copenhagen), l’AIE expose un scénario énergétique qui permettrait d’atteindre l’objectif de stabilisation à 450 ppm eq. CO2, considéré comme compatible avec l’objectif de limitation du réchauffement à +2°C en 2100 par rapport à la période pré-industrielle.

Les conclusions de cette modélisations révèlent ce qu’on sait déjà : l’investissement doit être massif, ce sont les économies d’énergies et les énergies renouvelables qui seront les très loin largement les deux premières sources d’atténuation des émissions. Le nucléaire voit son développement atténué par rapport au scénario de référence du fait des politiques d’économies d’énergie. Mais là n’est pas le plus important.

AIE2009-1

Dans les quelques éléments de méthodologie proposés dans le document (on ne pourra voir le détail des informations que lors de la publication intégrale en novembre), voici ce qu’on peut lire :

The trajectory is an overshoot trajectory, i.e. concentrations peak at 510 ppm in 2035, they stay steady for around 10 years and the decline then decline to 450 ppm. Our analysis focuses on energy-related CO2 emissions to 2030, which peak just before 2020 at 30.9 Gt and decline steadily thereafter, reaching 26.4 Gt in 2030.

Là il y a un petit problème. Le scénario choisi par l’AIE n’est pas un scénario de stabilisation des émissions comme envisagé par le GIEC dans son dernier rapport, mais un scénario « overshoot » c’est à dire de dépassement temporaire de la concentration en GES. Ce n’est pas la même notion. Plusieurs questions en découlent :

  • Quel est l’horizon du retour à 450 ppm ? L’AIE ne dit rien, si ce n’est que la concentration est stabilisée à 510 ppm entre 2035 et 2045. Le retour à 450 ppm est peut-être envisageable à l’horizon 2100… mais ca mériterait quelques explications !
  • Dans quelle mesure ce scénario de retour à 450 ppm est-il réalisable au plan de la géophysique ? On sait qu’environ 50% du CO2 est absorbé par l’océan (et enlevé de l’atmosphère) en 30 ans environ, qu’il faut plusieurs siècles pour retirer 30% supplémentaires et plusieurs millénaires pour les derniers 20% (voir cet article qui résume la problématique). Un scénario d’overshoot implique donc une chute drastique des émissions afin de pouvoir avoir une « diminution » du stock de CO2. De plus, on ne connait pas les hypothèses retenues pour les GES d’origine non énergétiques.
  • Mais surtout, en admettant que ce scénario soit géophysiquement possible, est-ce que cela correspond aux recommandations du GIEC pour l’objectif de température ? On peut avoir de sérieux doutes, car en dépassant 450 ppm on dépasse le facteur Pouvoir de Réchauffement Global qui y est associé (utilisé par le GIEC pour ses recommandations), donc on franchit potentiellement des seuils qui activent des rétroactions positives.

Je serais intéressé pour avoir des commentaires sur le sujet et plus généralement sur la notion de « overshoot scenario »…

Et j’ai quelques doutes dans le fait que ce scénario puisse changer quelque chose dans les négo, puisque ce qui bloque est la répartition du fardeau (que les efforts soient faits dans les pays ou à l’étranger par l’intermédiaire des mécanismes de flexibilité). Répartition que l’AIE se garde bien de proposer !