Changements Climatiques

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Copenhague : état critique des négociations sur le climat lors des dernières 24h passées

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Nous sommes dans l’avant dernier jour des réelles négociations. Le dernier jour ne compte pas, enfin c’est ce qui circule au sein des délégations. Il reste moins de 48h pour établir un accord. Explications sur les 24 dernières heures, vues de l’intérieur.

Hier devaient se conclure les travaux des deux groupes de travail initiés par le Plan d’Action de Bali (BAP en anglais) depuis deux ans maintenant. La clôture s’effectue lors de deux séances plénières distinctes. Initialement programmées en fin d’après-midi, elles ont été toutes deux reportées successivement dans la nuit. La première, sur la suite du Protocole de Kyoto, s’est conclue vers minuit avec un résultat très décevant (pas d’accord). Ce qui est inquiétant, car la prolongation du Protocole de Kyoto est une condition sine qua non pour les pays en développement pour signer un accord…

La seconde plénière, relative aux engagements de long terme et qui dépassent le cadre de Kyoto, s’est terminée ce matin vers 7h. La nuit a été longue. Je passe sur les détails des différents types de groupes constitués ces derniers jours pour faire avancer les discussions. Mais ils se sont prolongés bien au delà de ce qui était prévu. Et malgré une tentative de donner des “orientations politiques” susceptibles de faire évoluer les négociateurs en faisant intervenir les Ministres présents, le résultat des groupes de travail était très décevant : les textes étaient encore très longs, avec multitudes d’options, de parenthèses… ce qui les rendaient inexploitables.

Pour cette raison, hier dans la journée, le Président du Groupe, M. Cutajar, a pris l’initiative de proposer ses propres textes de synthèse, réalisé à partir des documents des groupes. Ce choix ultime était l’unique solution pour tenter de sauver les deux ans de travail écoulés.

A première lecture (vers minuit ?), j’ai trouvé que les textes apportaient de sérieux progrès par rapport à ceux qui étaient établis avant : textes courts, avec relativement peu d’options sur des points clés politiques que les ministres seraient à même de négocier. Le “package” était/est composé d’une décision principale, qui reprend l’ensemble des points du Plan d’action de Bali et des décisions subsidiaires, qui s’intéressent à chaque point pour donner des éléments plus précis. L’ensemble du Package devait être adopté par l’ensemble des pays lors de la séance plénière de conclusion du travail, afin d’être transféré à la Conférence des Parties qui se tient le lendemain et qui a le réel pouvoir politique.

C’était compter sans les Etats-Unis. L’Oncle Sam se croit au dessus de tous : il a donc fortement suggéré au Président du groupe, en privé, d’insérer quelques éléments et des “brackets” qui signifient qu’il n’y a pas d’accord sur le texte. Ils l’ont fait en particulier sur un point particulièrement sensible : l’engagement des pays développés à réduire leurs émissions (texte pourtant constitué de plusieurs options encore). Ces exigences allaient à l’encontre de la bonne conduite de la séance : si une Partie impose ses vues, pourquoi les autres n’en feraient pas autant ? Cela a été évidemment la réaction du G77, qui s’est senti spolié par rapport aux Etats-Unis. Le Président du groupe a passé une longue heure à expliquer sa démarche, ultime espoir de sauver le travail, et à écouter le G77.

Après délibération, celui-ci accepte d’utiliser ce texte comme point de départ pour la suite des discussions : dans ces conditions, ce n’était pas acquis. Un refus du G77 aurait conduit à une absence de tout texte du groupe de travail présenté à la conférence des Parties. Autrement dit un échec total qui aurait conduit probablement à une absence d’accord.

Vers 5h du matin, la séance plénière de conclusion est ouverte et le G77 impose des conditions : que les USA donnent publiquement leurs exigences, que d’autres pays en fassent autant. Et nous voilà partis sur une discussion détaillée de la décision principale… alors que ce n’était pas l’objectif. Les minutes, les heures passent. Il faut que le Président en appelle à l’indulgence des Parties pour pouvoir conclure une décision sur le package avant qu’il ne soit trop tard. La séance est levée vers 7h du matin. Le texte doit être présenté à 11h.

Le texte a été totalement modifié : insertion et surtout beaucoup beaucoup de “brackets” sur la décision principale. Il est donc mauvais, difficilement exploitable. Mais il existe. Il sera peut être renégocié dans les heures à venir, ou bien renvoyé uniquement devant les ministres…

Les Etats-Unis, soutenus par le Japon, ont imposé leur méthode au reste du monde ; ils ont marqué du mépris à l’intention du reste du monde. Et on ne discute même pas des chiffres, du fond ! On ne discute que de la procédure (qui, certes, a des implications sur le fond). Affligeant. Et inquiétant. Car il reste désormais très très peu de temps pour réussir à rendre ces textes opérationnels et utiles. On est passé très près de la catastrophe dans un des deux groupes, mais rien n’est encore joué.

Je ne suis pas certain que ce rapport rapidement écrit après une nuit blanche soit très limpide… mais c’est pour info.

La Conférence des Parties, qui rapporte les résultats des groupes de discussions, est visible sur le site de l’UNFCCC.

Etats-Unis et Russie redonnent quelques espoirs pour Copenhague

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Un officiel américain vient d’annoncer (voir ici également) que les Etats-Unis viendraient à Copenhague avec des objectifs chiffrés en termes d’émissions de gaz à effet de serre (et ce malgré l’impossibilité pour le Congrès de voter sur la loi relative au climat et à l’énergie d’ici le 7 décembre).

C’est une excellente nouvelle, un réel progrès dans un contexte morose. Une annonce contraire aurait définitivement clos tout espoir d’accord réel à Copenhague.

Comme Yvo de Boer avait supposé lors de la conclusion des discussions de Barcelone que cela arriverait, les Etats-Unis ont également indiqué que le chiffre porté par l’administration serait conforme aux objectifs devant le Congrès. Ce fameux chiffre semble faible (quelques % de réductions en 2020 par rapport à 1990,  ce qui est a priori insuffisant), mais il existe quelques marges de manoeuvre suivant que l’on prend les réductions d’émissions purement domestiques ou avec les mécanismes de flexibilité.

Cette annonce intervient peu de temps après l’annonce du Président Russe Medvedev que la Russie réhausse ses engagements de -10 ou -15% à -20 ou -25% en 2020 par rapport à 1990. Certes, cet objectif revient tout de même à une augmentation des émissions de GES de la Russie par rapport au niveau actuel (l’URSS ayant chu entre 1990 et aujourd’hui, et ses émissions avec*), mais c’est une moindre augmentation et un réel effort supplémentaire puisque moins de « hot air » (permis d’émissions gratuits), et donc moins de revenus potentiels pour la Russie. Je ne partage donc pas l’avis selon lequel ce ne serait que pur cynisme

Lorsqu’il existe de relatives bonnes nouvelles dans un contexte morose, sachons nous en réjouir ! :S

*les émissions russes étaient en 2007 de 34% inférieures à celles de 1990 si on ne compte par les changements d’usage des sols et de 40% inférieures à celles de 1990 si on les inclut.

En route vers Copenhague : suivi des positions (12)

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Voir les épisodes précédents : (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7), (8), (9), (10), (11)

Depuis la conférence de Barcelone, qui a permis que les négociations de l’UNFCCC continuent d’avancer dans un cadre dit « informel » avant le début de  la conférence de Copenhague, les annonces de négociations bilatérales et multilatérales se multiplient.

Chine-Etats-Unis

Obama en Chine : Jintao et Obama ont déclaré vouloir un succès à Copenhague et un accord  « à effet opérationnel immédiat ». Le ministre Danois Rasmussen s’en réjouit.

A priori, cette annonce est effectivement positive puisque semble synonyme de volonté politique et un refus d’un « déclaration politique » ou d’un « accord partiel » .

Cependant, cette petite expression « effet opérationnel immédiat » n’est pas très claire à interpréter… ce n’est même pas très logique, puisque l’accord qui doit intervenir vise à s’appliquer à partir de 2013 et que, comme tout traité international, il ne peut s’appliquer directement et doit être ratifié par les Parlements des pays. D’ailleurs, comme pour le protocole de Kyoto, il semble raisonnable de penser que tous les « détails » opérationnels seront négocier après Copenhague…

Soit Obama a glissé cette expression par mégarde ou pour donner quelque chose à se mettre sous la dent aux journalistes sans qu’il n’y ait de signification particulière…

Soit l’expression a été soigneusement choisie, ce qu’on peut raisonnablement supposer. Mais comment trouver un accord opérationnel immédiatement, alors que, clairement, les négociations techniques ne sont pas assez avancées (en guise de preuve, allez voir les « non papers » qui constituent la base de négo du groupe AWG-LCA) ? La logique est exactement inverse de celle présente dans la dernière déclaration de Ban ki Moon qui demande « du politique maintenant, du technique plus tard ».

Une interprétation optimiste serait la suivante : la déclaration d’Obama de Jintao serait un signe pour affirmer que les deux pays sont prêts à prendre des engagements politiques contraignants à Copenhague. Ils refuseraient l’idée de repousser la conclusion d’un accord global lors de la Conférence des Parties n°16 de décembre 2010 ou lors d’une Conférence des Parties « n°15 bis » en juin ou juillet 2010 (scénario largement envisagé désormais). Mais pourquoi diable une telle expression ?

Une interprétation pessimiste serait qu’Obama et Jintao nous mènent en bateau et que les divergences sont encore trop grandes pour même savoir où nous allons.

Réunion au Danemark

Parallèlement, 44 se sont retrouvés au Danemark, sur invitation du gouvernement danois, afin de faire avancer les discussions. Ce sommet est probablement une bonne chose car il réunit les leaders précisément sur la question du climat. Les négociateurs qui interviennent dans le cadre des négociations de l’UNFCCC ne possèdent pas le pouvoir politique, contrairement aux chefs de gouvernements. Malheureusement, ceux-ci se sont déjà largement réunis sur la question (lors des G20 par exemple) et peu de choses avaient évolué.

L’APEC inquiète, la Russie rassure

L’APEC s’est également réunie et a proposé une déclaration finale sur la question… cette dernière est très décevante puisque les engagements chiffrés sur le long terme ont été retirés à la dernière minute. Cela est inquiétant, car les chiffres incriminés déterminent un avenir global commun (une « vision partagée »)… Or si même là-dessus, les divergences sont encore importantes, il paraît encore plus difficile de trouver un accord qui répartisse l’effort à fournir.

En revanche, la bonne surprise vient de la Russie, avec Medvedev qui affirme en marge de l’APEC que les conséquences des changements climatiques pourraient être « catastrophiques ». Jusqu’à présent, la Russie était discrète, voire antipathique concernant les négociations sur le climat. Cette déclaration est donc plutôt rassurante.

Super Borloo ?

Et il y a eu la déclaration commune France-Brésil (voir le post pour le texte). Déclaration plutôt intéressante, bien que pas révolutionnaire. Cette déclaration est à replacer dans le contexte de l’activisme de Borloo, qui souhaite proposer un scénario positif à Copenhague avec le soutien de pays pauvres et en développement, tout en déclarant que « Washington est le principal frein » pour un accord. Cette affirmation est rare de franchise, mais sur le fond, elle n’est pas contestable.

Il y a malheureusement très peu (pour ne pas dire aucune) information sur le plan élaboré par Borloo, à part les déclarations politiques occasionnelles. Et comme déjà dit ailleurs, ce plan doit s’inscrire dans un cadre de négociations plus global, ce qui ne paraît pas aisé.

La société civile doit soutenir et pousser les exécutifs

En somme, la tension monte, comme le relatent de nombreux journaux. Il est difficile d’y voir clair, dans cette situation paradoxale (est-ce vraiment paradoxal ?) dans laquelle tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut agir, fort et maintenant, mais où le consensus est très difficile à trouver.

Tout repose entre les mains des dirigeants des exécutifs nationaux : seuls eux pourront décider de l’effort que leur pays est prêt à réaliser. Et seul un accroissement de ces efforts permettra un accord à la hauteur des enjeux. En ce sens, il semble que la société civile a un rôle important à jouer en montrant son soutien actif aux gouvernements à des décisions ambitieuses, même si ce n’est pas dans son intérêt.

(photo : TIAN LI/GAMMA PEKIN/Eyedea Press)