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Photovoltaïque, nucléaire, soutiens publics : l’hypocrisie du gouvernement français
Le photovoltaïque serait une technologie « chère ». Pour sauvegarder le pouvoir d’achat du consommateur, il faut limiter son développement, d’après le gouvernement. Un diagramme fort simple suffit pourtant à comprendre l’hypocrisie des pouvoirs publics français.
Le Premier Ministre a voulu, mardi dernier devant le Conseil Economique, Social et Environnemental, clôturer les choix gouvernementaux concernant la filière photovoltaïque. La décision est prise : il y aura une limitation en volume d’installations annuelles (500 MW). Autant dire que le photovoltaïque est condamné à rester une énergie de décoration, sans développement d’ampleur et sans avenir en France, alors même que c’est une énergie renouvelable au potentiel extraordinaire (mais je n’ai pas la place de développer ici).
Cette annonce fait suite à une campagne de communication gouvernementale visant à démontrer l’explosion des dépenses causées par le solaire (le fameux rapport Charpin). Car il est vrai que, le coût de production de l’électricité photovoltaïque est supérieur à celui du mix énergétique moyen actuel. Et il est également vrai que la plupart des panneaux installés en France aujourd’hui sont importés, notamment de Chine (mais pas uniquement). Mais se pose-t-on la question de savoir pourquoi cela ? L’essentiel de la réponse dans un graphique issu du dernier rapport du GIEC -qui tirait lui-même ses informations de l’Agence Internationale de l’Energie-.
Ci-dessous, la répartition des aides publiques à la Recherche et Développement, par type d’énergie, pour les 28 pays membres de l’Agence Internationale de l’Energie (i.e. les pays occidentaux) entre 1973 et 2003 :
On constate d’un simple coup d’oeil que :
- La recherche dans la fission nucléaire (bleu clair) a reçu 47,3% des aides publiques à la R&D (134 milliards de dollars de 2004)
- Les énergies renouvelables toutes confondues (jaune) ont reçu 8,1% des financements publics (24 milliards de dollars). Le photovoltaïque a eu droit quant à lui à 2,2% des subventions publiques (6 milliards de dollars).
- Les renouvelables ont été moins financées que les énergies fossiles (12,7% soit 37 milliards) et même été moins que la fusion nucléaire (10,5% soit 31 milliards) !
Il est intéressant de rapporter cette répartition à celle de l’approvisionnement énergétique actuel (toujours selon l’AIE) :
- La fission nucléaire fournit 5,8% des l’énergie primaire mondiale
- Les renouvelables, malgré leur faible subventionnement, fournissent d’ores et déjà 12,9% de l’énergie primaire mondiale
- La fusion nucléaire ne fournit aucun kWh et n’en fournira probablement pas avant la fin du siècle
Pour accentuer encore le diagnostic, il faut considérer que :
- ces statistiques sont celles agrégées de tous les pays de l’AIE (incluant l’Allemagne et le Japon, champions du photovoltaïque). Il n’y a pas de peine à imaginer que dans le cas de la France, les différences de subventions ont été encore bien plus marquées en faveur du nucléaire
- on n’a regardé ici que les subventions directes d’aide à la Recherche et Développement. Or les aides publiques au nucléaire et aux énergies conventionnelles sont en réalité bien plus importantes et très diversifiées (ce serait trop long à développer ici, mais c’est une chose bien connue).
- on ne compte pas tous les coûts « indirects » liés au nucléaire (déchets, risques terroristes etc. et aux ressources fossiles (émissions de gaz à effet de serre, pollutions locales etc.) qui sont évités par le photovoltaïque
C’est extraordinaire : le gouvernement souhaiterait que le photovoltaïque soit aussi compétitif que le nucléaire (qui représente 83% de notre mix électrique), alors que cette technologie a reçu 22 fois moins de subventions publiques dans les pays de l’AIE (et encore moins pour le cas de la France).
Les coûts de production du photovoltaïque ne font que décroître rapidement : d’ici 2020, il sera être compétitif avec l’électricité conventionnelle, ce qui annoncera le développement à grande échelle sans plus aucune subvention publique (constat auquel même le rapport Charpin, p7 s’accorde). Malheureusement, les panneaux seront toujours chinois, allemands, japonais ou américains… car aucune filière française n’aura pu se structurer vu le manque de soutien public pendant la phase d’amorçage. Et on continuera à dénoncer le déficit commercial lié au photovoltaïque, pour mieux supporter le tout nucléaire.
C’est bien dommage, car nous disposons en France d’excellents physiciens et industriels qui seraient en mesure de nous faire rattraper rapidement une grande partie du retard techno-scientifique, à condition qu’ils reçoivent autant de financements qu’ils en ont eu pour nucléaire au cours des 40 dernières années.
Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas réformer les tarifs de rachats qui conduisent à des rentes superflues et des dépenses exagérées -personne ne dit cela-, mais il faudrait le faire de manière à permettre réellement la structuration d’une industrie locale (réduction progressive des tarifs d’achats, comme proposé par les acteurs de la filière et par la Ministre de l’Environnement). Et surtout, il ne faudrait pas s’arc-bouter sur une analyse hypocrite et malhonnête des coûts supposés pour la collectivité, qui ne considère qu’une partie de la réalité. En plus, ça risque de se voir.
Sources :
– Assessment Report 4, IPCC, Working Group 3, Chap 13, Figure 13.1
– Et le détail chiffré dans le document de l’AIE : Renewable Energy, markets and policy trends in IEA countries, 2004
Financements pour le climat : la France ne respecte pas ses engagements
Article publié initialement sur adopt a negotiator.
L’argent est le nerf de la guerre : la France ne respecte pas ses engagements en matière de financements pour lutter contre les changements climatiques, en jouant sur les définitions d’une part, en utilisant massivement les prêts à la place de dons d’autre part. Elle participe ainsi à la mise en péril des négociations internationales sur le climat qui doivent reprendre à Cancun dans deux semaines.
Deux rapports peu glorieux pour la France
Deux rapports viennent d’être publiés ces derniers jours concernant les financements pour le climat. Le premier, très officiel, est celui de l’Union Européenne sur ses engagements en matière de financements pour le climat ; le rapport vise à garantir la transparence dans un perpétuel souci de leadership et d’exemplarité. Le second est un rapport spécifique sur les actions de la France en matière de financements, publié par Oxfam et le Réseau Action Climat.
Rappels sur le contexte
Dans l’accord de Copenhague, les pays développés se sont engagés à des financements précoces (ou fast start en anglais) de 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012 à destination des pays en développement. L’Union Européenne a pris un engagement de 7,2 milliards d’euros sur les trois ans, dont 2,2 milliards pour l’année 2010. La France s’est engagée à 420 millions d’euros par an pendant trois ans.
Des problèmes de définitions
L’Accord de Copenhague prévoit également que cet argent sera « nouveau et additionnel » (voir une intro générale sur financement et climat). Mais il n’existe pas de définition explicite, précise et unanimement partagée de ce que cela signifie ; ce qui laisse une large marge d’appréciation aux donateurs…
Comme nous le déplorions (voir cet article pour des précisions), les définitions choisies (non officiellement) par la France sont très accommodantes ; notamment, elles ne sont absolument pas corrélées à l’aide publique au développement (APD) ou au niveau de financements existant avant la signature de l’Accord. Ceci lui permet d’inclure ce qu’elle souhaite dans ses engagements de financements précoces, en y mettant simplement le tampon « fast start ».
Pas d’additionalité pour l’année 2010… ni pour la suite
L’engagement de Copenhague ayant été signé en décembre 2009 et la loi de finances pour 2010 étant déjà votée il n’était pas possible de débloquer de nouveaux financements, m’a-t-on expliqué en haut lieu.
On répondra qu’une loi de finance rectificative aurait pu être présentée (il y en a eu 3 cette année… mais aucune n’a porté sur cette question du climat). Mais la réponse officielle est plus simple : « la France faisait du financement précoce sans le savoir, comme M. Joudain de la prose ». Autrement dit, les financements déjà engagés pour 2010 compteront pour le fast start. Adieu toute volonté d’accroissement réelle de l’effort financier dédié au climat pour cette année.
On souligne alors que l’engagement est pris pour une période de trois ans : s’il n’était pas possible de dégager de nouveaux financements pour 2010, il était possible de prévoir la totalité des 1,2 milliards promis pour 2011 et 2012. Or, comme le montre l’analyse d’Oxfam/RAC, la loi de finances pour 2011 prévoit qu’une grande partie des financements fast start seront mobilisés au titre de l’Aide Publique au Développement, laquelle n’augmentera pas.
En résumé : la France mobilise 420 millions d’euros par an, en bricolant à partir de financements existants par ailleurs.
En réalité, pas plus de 75 millions d’euros dégagés (18% de l’engagement)
Mais ce n’est pas tout. Dans le document de l’Union Européenne, la France a bien engagé 425,9 millions d’euros pour 2010 pour le financement précoce, ce qui est légèrement au dessus de sa promesse (420 millions). Mais sur ces 426 millions, 91,5% (389,8 millions d’euros) sont des prêts, autrement dit de l’argent que la France récupèrera !… La France déclare 36,1 millions d’euros en dons, soit 8,5% de son engagement de fast start.
En comparaison avec les autres pays, la France a une part de prêts totalement disproportionnée : en moyenne sur l’UE, 52,1% des financements fast start sont réalisés sous forme de prêts. En Allemagne, ils représentent 46% de l’engagement, et 0% pour le Danemark.
On ne connaît pas le détail de ces prêts ; on peut supposer que la plupart ont un caractère concessionnel, c’est-à-dire qu’ils sont fixés à un taux inférieur au coût de revient. Faisons une hypothèse : en étant généreux, on considère que ces prêts concessionnels ont un coût de revient de 10% pour la France (4% pour l’emprunt sur les marchés financiers et 6% pour le coût d’opportunité, les frais de gestion etc.). Dans ce cas, la France ne « donne » réellement que 10% de 390 millions via les prêts, soit 39 millions, auxquels s’ajoutent les 36 millions de dons directs. Cela représente au final 75 millions d’euros, soit moins de 18% de son engagement.
Si la France voulait respecter ses engagements avec une utilisation massive de prêts, elle devrait multiplier les montants par plus de 10, afin que la part de « concession » dans l’ensemble des prêts accordés représente l’engagement qu’elle a pris à Copenhague.
On soulignera également, comme le disent la plupart des ONG, que si la formule du prêt peut s’avérer intéressante pour financer certains types d’actions (généralement celles liées à l’atténuation, c’est-à-dire la réduction des émissions), elle n’est pas adaptée pour de nombreux projets liés à l’adaptation. En effet, concernant l’adaptation aux changements climatiques, seuls des dons peuvent permettre d’agir car protéger les populations contre les inondations ou l’érosion côtière ne peut pas être rentabilisé via le secteur privé. Le choix de l’utilisation massive de prêts n’est donc pas adapté aux besoins réels des pays les plus vulnérables.
Est-ce grave ?
Au-delà du fait que le manque d’argent pour soutenir les pays les plus vulnérables implique sur le terrain des catastrophes sociales réelles qui pourraient être évitées, le non respect par la France de ses engagements -et d’autres- ne permet pas de reconstruire la confiance à l’échelle internationale. Or, cette confiance, largement perdue à Copenhague, est vitale pour les négociations en cours. On sait que la question des financements à long terme sera un chapitre clé des négociations à Cancun. Mais le succès de ce chapitre sera probablement conditionné à la question des financements à court terme, comme les pays en développement l’ont fait savoir de longue date. Il se pourrait donc que tout bloque, du fait du non respect des engagements des pays développés, la France la première.
Après le remaniement, un réel changement : réaffecter le bouclier fiscal !
En tant que simple citoyen, on ne peut qu’implorer les Grands de revoir leur politique nationale relative au climat. Nathalie Kosciusko-Morizet pourrait-elle faire un geste politique fort avec son arrivée au Ministère ? Pourrait-elle constituer une alliance avec le numéro deux du gouvernement, M. Jupé, Ministre d’Etat et environnementalement compatible, afin de convaincre Premier Ministre, Président et Parlement qu’il en va de la survie du climat et de la planète, ainsi que de l’honneur de la France, de respecter ses engagements sur les financements précoces ? On lui suggèrera de rappeler que les engagements de la France en matière de climat se chiffrent à moins d’un bouclier fiscal -lequel a été annoncé comme prochainement supprimé-…
Edit le 17.11.10 :
– une autre étude publiée hier, produite par l’International Institute for Environmental Development, montre que les pays développés en général ne tiennent par leurs promesses.
– une étude sur l’ensemble des promesses de l’Union Européenne vient également d’être publiée par le Climate Action Network (l’équivalent du Réseau Action Climat français). Les constats sont similaires à ceux qui sont faits dans le présent article et dans l’analyse d’Oxfam/RAC : problèmes de définitions sur l’additionalité, place trop importante des prêts, mauvaise répartition atténuation/adaptation, manque de transparence sur l’usage des fonds…
UE : sueurs froides d’un climat toujours plus chaud
Article publié initialement sur adopt a negotiator.
Lors du dernier Conseil Européen, les pays membres de l’UE se sont positionnés en vue de Cancun. Pas de surprise, mauvaise surprise.
Le climat évolue lentement ; et les négociations sur le climat, pareillement. Lorsqu’un phénomène est lent, il est difficile de dire si la situation s’améliore ou non. Pourtant il est un moment où il est nécessaire de faire le point. Et lorsque l’on se penche sur l’Union Européenne, la situation n’est pas glorieuse.
Les dernières infos de l’UE
Lors du Conseil qui s’est clôturé vendredi 29 octobre, les Etats membres se sont accordé (voir les Conclusions) sur un positionnement globalement conservateur et peu à mène de fournir des clés pour Cancun.
Dans un texte très général, le Conseil rappelle l’importance d’agir (blabla). Il souligne l’importance de parler d’une seule voix (silence dans les rangs). Il annonce une opération transparence sur les financements (ca va faire mal… on en reparlera sûrement sur ce blog). Il rappelle l’UE ouverte pour une seconde période d’engagement sous le protocole de Kyoto… sous conditions que les exigences établies par le Conseil des ministres de l’environnement du 14 octobre soient satisfaites (chapitre des négociations qui a totalement bloqué à Tianjin… justement à cause de ces exigences).
Il déclare ensuite que l’UE reste sur son engagement de réduction de 20% d’ici 2030 par rapport à 1990 et qu’il examinera après Cancun la possibilité d’aller à 30% (après qu’un nouveau document soit produit par le Conseil au printemps). Il n’y a rien de très nouveau, mais cela reste lamentable.
Entêtement européen
Peu importe de savoir que les émissions de 2009 se trouvent à un niveau inférieur de 17,9% par rapport à 1990 (voir les déclarations ici et ici de l’Agence Européenne de l’Environnement). Peu importe le document de la Commission Européenne qui poussait à un passage immédiat à 30% de réductions (avant que sa conclusion ne soit revue en sens inverse pour satisfaire certains Etats membres) et que certains Ministres (dont JL Borloo) se soient clairement positionnés en faveur de cet objectif (voir ici par exemple). Peu importe de savoir que certaines études ont montré la possibilité d’aller à -40% dès 2020 (voir ici). Peu importe que le niveau aggloméré de promesses de réductions des pays développés soit clairement inférieur à ce qui est requis pour atteindre l’objectif que l’UE prétend vouloir atteindre (2°C de réchauffement en 2100) -et que cela est une pierre d’angle des négociations-.
Non, peu importe. L’Union Européenne restera fière à Cancun affirmant son leadership environnemental -qui n’est plus- et participera au blocage général. Blocage qui est, en premier lieu, causé par le manque d’engagement d’atténuation des émissions des pays développés (même si, bien entendu, il existe d’autres questions difficiles). Reporter aussi clairement au printemps prochain l’éventualité d’un engagement à 30% revient à supprimer tout marge de manœuvre aux négociateurs ; c’est empêcher toute évolution ; c’est participer au blocage.
Cela est difficilement compréhensible, car l’UE est dans une position qui pourrait lui être bénéfique : du fait de son effort amorcé depuis le début des années 2000, elle pourrait sans peine prendre un réel leadership et construire dès maintenant l’économie du future -sur laquelle tout le monde s’accorde à dire qui faudra qu’elle existe-.
A Copenhague, je croyais que les positionnements opérés pendant les mois avant la conférence cachaient des positions en fait plus offensives qui seraient dévoilées lors des négociations finales. Mais il n’y a jamais eu de partie de poker menteur ultime : pas d’avancée majeure. Et il n’y a aucune raison qu’à Cancun celle-ci ait lieu, tant la pression est moindre et les attentes faibles.
Scénarios catastrophe pour Cancun ?
Le scénario catastrophe serait une absence de Décisions à cause d’un blocage qui s’expliquerait ainsi : tout le monde s’accorde sur la nécessité d’avancer de manière équilibrée sur tous les chapitres de discussions. Si quelque chose bloque tout bloque. Or le chapitre sur les réductions d’émissions bloque clairement (notamment à cause de l’UE).
Un scénario semi positif ? Que certains chapitres avancent plus que d’autres (les pays en développement lâchant du lest pour ne pas tout perdre).
Un scénario vraiment positif ? Une réelle série de décisions sur tous les chapitres des négociations. Inespéré.
Le récent succès de la conférence de Nagoya sur la biodiversité permet de croire encore à la possibilité d’avancer dans le cadre d’un processus multilatéral. En face de cela, une phrase du Conseil Européen n’est pas rassurante :
Tout en cherchant à obtenir un accord international, l’UE s’emploiera également à adopter une approche plus diversifiée pour la collaboration avec les principaux partenaires dans des domaines d’intérêt mutuel susceptibles de les aider à réduire leurs émissions.
En clair (dans sa compréhension la plus pessimiste) : l’UE commence à envisager d’autres manières d’organiser l’action internationale.
La France et les financements pour le climat : du bon à long terme, du moins bon à court terme
Article publié initialement sur adopt a negotiator.
Sur la question des financements, la France semble avoir adopté des positions ambivalentes : intéressantes sur le long terme (1), ses choix à court termes sont catastrophiques au plan de la confiance internationale (2). Explications.
1. L’action de la France sur les solutions innovantes pour le financement à long terme
Position offensive sur les sources innovantes
Dans le cadre de discussions du Groupe de Conseil de Haut Niveau, dit AGF, qui cherche à proposer des solutions sur les moyens de financer à long terme la lutte contre les changements climatiques (voir ici pour plus d’info), la France semble avoir porté des positions intéressantes.
Le gouvernement français a apparemment adopté une position interne à l’AGF similaire à celle qu’elle a pu porter publiquement : elle soutient toute initiative de taxe internationale, sur les transferts financiers, sur les transports maritimes et/ou les transports aériens notamment.
Ces solutions potentielles de taxation internationale ont le mérite de fournir des montants importants (plusieurs dizaines de milliards de dollars par an), assurent une additionalité (nouvelle source), sont prédictibles et enfin sont réalistes du point de vue des budgets des pays développés.
En ayant une analyse un peu cynique, on peut penser que ce choix de la France ne mange pas de pain : ce sera autant d’argent en moins à dégager de son budget propre dans l’avenir. C’est partiellement vrai (partiellement seulement car pas d’impacts sur le budget ne signifie pas qu’il n’y aura pas de coûts pour l’économie). Mais il y a malgré tout une réelle volonté politique car ces solutions sont loin d’être acquises et des oppositions fortes existent.
D’un côté les Etats-Unis s’y opposent car trop difficiles politiquement (toute taxe étant très mal vécue outre-atlantique). De l’autre, ce sont des pays en développement qui sont inquiets de tels dispositifs car, pour eux, cela revient à les faire payer partiellement. Ils expliquent également qu’un surcoût, même minime, sur les billets d’avion aurait des conséquences sur leurs ménages pauvres bien plus que sur les ménages des pays occidentaux. Ces divers arguments sont relativement contestables (il est par exemple possible d’éviter les effets négatifs pour les pays en développement : tout dépend des modalités exactes du dispositif) ; la France essaie de convaincre ses interlocuteurs des bénéfices communs importants.
Estimant que les pays développés ne peuvent débloquer facilement l’intégralité de 100 milliards de dollars, surtout en période de crise, de nombreuses ONG ont adopté une position en faveur de ces financements internationaux (et donc en soutien à la France), quitte à se démarquer de la position des pays en développement.
Le document de l’AGF est encore en pleine préparation, et devra être conclu à Addis Abeba dans le semaines à venir. Espérons que la France ne dévie pas de sa position initiale.
Position originale sur le fonds vert
La France, aux côtés du Mexique, des Etats-Unis, de la Banque mondiale entre autres porte une proposition concernant la réalisation du fonds vert -lequel serait en bonne voie d’adoption (voir ici)-.
Si la position mexicaine est la plus connue et est supportée par de nombreux acteurs (elle prévoit la constitution d’un fonds dont l’une des caractéristique sera d’être approvisionné par tous les pays en fonction de leurs émissions et de leur PIB), la position française est originale et pourrait apporter des éléments supplémentaires dans les discussions.
La France souhaite que le fonds soit constitué sur une logique fiduciaire plus que bancaire, c’est à dire organiser les décaissements en cofinancement d’autres projets -portés par des acteurs accrédités au préalable- sur des critères de co-bénéfices climat, avec une évaluation de l’efficacité et de l’efficience.
Cette organisation aurait potentiellement plusieurs mérites :
- alléger énormément les besoins humains du fonds pour une mise en place rapide, avec seulement quelques dizaines à quelques centaines de personnes pour faire fonctionner l’accréditation et les comités de validation des financements (à titre de comparaison, la banque mondiale qui existe depuis 60 ans dispose de 10 000 personnes pour gérer »seulement » 35 milliards de dollars).
- s’appuyer sur des acteurs existants et leurs compétences
- jouer le rôle de catalyseur financier (effet levier) en attirant d’autres financements de différentes origines (bancaires, privés, ONG, collectivités locales, Etats…)
- permettre un accès direct au fonds, rapidement et facilement (aide à la décentralisation et donc à la réalité des actions sur le terrain)
- correspondre à une logique générale d’intégration du climat à d’autres enjeux de développement et de protection de l’environnement (et non à une logique climat qui serait »hors sol »)
La position française propose donc une organisation concrète, pragmatique et a priori réellement favorable aux pays en développement. Si cette proposition ne règle pas de nombreuses questions (approvisionnement du fonds, répartition des pouvoirs, articulation avec le mécanisme…), elle a le mérite d’apporter un éclairage intéressant et de stimuler le débat.
Notons malgré tout que, comme d’autres pays développés, la France n’est pas prête à oublier l’aide bilatérale (via l’AFD notamment)… Le Fonds ne serait donc qu’un des canaux. Reste à savoir dans quelle proportion.
Cependant, pour l’heure, les discussions se concentrent sur les termes de la Décision qui sera adoptée à Cancun : le jeu consiste à placer les mots clés souhaitables pour pouvoir continuer à pousser la proposition lors des discussions l’année prochaine.
2. A court terme, le gouvernement français se paye la tête des pays en développement
Très volontariste sur les financements précoces (voir ici pour plus d’information sur cette question), Jean-Louis Borloo appelait en janvier dernier (voir ici) les pays développés à respecter leurs engagements dès 2010, et donc de fournir ensemble environ 10 milliards de dollars dans l’année (30 milliards sur 3 ans). Malheureusement les bonnes résolutions semblent peu respectées aujourd’hui.
En effet, l’Accord de Copenhague prévoit que les financements seront « nouveaux et additionnels » (voir pour des explications générales). Si la France annonce porter sa part de fardeau de 420 millions d’euros pour 2010, en revanche elle ne respecte pas son engagement sur la nouveauté et l’additionalité.
Dans son acception commune, la notion de nouveauté signifie que l’effort pour le climat est augmenté par rapport à ce qui a été fait les années précédentes. La notion d’additionalité doit permettre de garantir que les fonds pour le climat ne sont pas détournés d’autres budgets, par exemple celui de l’aide publique au développement (APD). Cependant, bien que le principe soit inscrit dans la Convention depuis 1992, il n’existe aucune définition officielle précise : chaque pays est libre de choisir sa façon de compter… et au final, on a de bonnes chances d’assister à des arnaques. Un représentant de Bercy m’a opposé qu’il ne peut y avoir d’arnaque puisqu’il n’y a pas de définition. Argument dont je laisse chacun juge.
Tout d’abord que savons nous des choix français en matière d’additionalité ? A vrai dire, rien d’officiel. Le WRI, qui propose une analyse comparative entre les pays développés, n’a obtenu aucune définition de l’additionalité pour la France. Or le WRI, institution phare sur les questions de changements climatiques, s’appuie notamment sur les réactions des gouvernements pour actualiser ses données : c’est donc que la France n’a pas apporté d’information.
Il existe malgré tout des informations officieuses. D’après ce que le Climate Action Network rapporte (voir le rapport) et d’après ce j’ai pu apprendre du bout des lèvres de certains représentants français ici à Tianjin, le gouvernement retient pour définition de l’additionalité une formule très simple : est additionnel tout financement qui se porte sur un nouveau projet relatif au climat. Voilà le pot-au-rose.
Bien qu’on m’explique qu’il est difficile de juger le choix d’un pays quand il n’y a pas de définition commune, je pense qu’on peut dire objectivement que cette définition est malhonnête. Mon critère (objectif ) est simple : il existe deux termes dans l’accord de Copenhague (« additionnel et nouveau »), pourtant la France ne donne qu’une définition unique avec un seul critère. Il y a donc un amalgame total entre additionalité et nouveauté. Ce qui se traduit par le fait que toute comparaison avec l’APD est oubliée. La France se donne le droit de transférer purement et simplement de l’argent de l’APD vers le climat. De plus, toute comparaison vis-à-vis des financements passés est absente. En bref : il n’y a pas plus d’argent qu’avant, il est seulement labellisé « fast start ».
Au-delà de la question théorique de l’additionalité, quand on dit à certains délégués africains que la France a déjà débloqué l’argent promis pour 2010, ils répondent avec des yeux ronds : « Où ca ? ». Il est en effet impossible de vérifier. Ce ne sont pas les données fournies sur le site internet de l’initiative des Pays-Bas (en faveur de plus de transparence) qui nous aident.
Evidemment, Bercy se réfugie derrière un syllogisme imparable : il n’y a pas de définition internationale et il n’y a pas de définition officielle française. On ne peut pas prouver que la France n’apporte pas des financements nouveaux et additionnels. L’opacité la plus totale est bien pratique.
On ne peut qu’espérer d’agréables surprises lors de la remise d’un rapport relatif au fast start rédigé au niveau de l’UE en novembre prochain, ou bien lors de la publication d’une réponse officielle du gouvernement français à des questionnaires d’ONG -en cours de rédaction-. Mais qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ces informations arriveront bien tard… reconstruire la confiance, nous en avions besoin dès les premières réunions de Bonn en juin dernier.
Le gouvernement sait pertinemment que pour reconstruire la confiance, il faut autant mettre de l’argent sur la table que convaincre qu’on en met. Ne donner aucune information comme il le fait actuellement fait donc peser d’énormes soupçons sur sa réelle volonté d’agir.
Remarquons que la plupart des autres pays développés ont adopté des techniques d’entourloupes similaires (*). Mais ce n’est en rien une excuse. L’argument de la crise et des caisses vides n’est pas non plus convaincant, car comme le disait hier un représentant de la Banque Mondiale : depuis la signature de l’Accord de Copenhague, la crise ne s’est pas aggravée.
Toutes ces incertitudes sur les définitions et cette opacité généralisée conduisent à des effets négatifs très concrets dès aujourd’hui. Le négociateur principal du groupe Afrique en charge des financements m’a expliqué qu’ils ont le sentiment, une fois de plus, de se faire totalement avoir sur cette histoire de fast start (qui était pourtant l’une des rares choses positives qu’ils pouvaient trouver à l’Accord de Copenhague). D’où leur volonté d’obtenir une Décision de la COP à Cancun spécifiquement sur les financements précoces, afin d’avoir de nouvelles garanties notamment en matière de transparence et d’additionalité. Ce qui constitue maintenant dans les discussions un nouvel objet d’affrontement. Un de plus, dont on se serait bien passé.
Ce qui est certain, c’est que la confiance n’est pas reconstruite et que la France porte pleinement sa part de responsabilité. C’est dommage… car, après tout, cette confiance internationale si vitale pour le climat aurait pu être accessible avec quelques informations et… deux tiers d’un bouclier fiscal.
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(*) Pour une analyse comparative internationale des financements fast start sous différentes hypothèses d’additionalité, voir l’excellent papier de Climate Analytics (www.climateanalytics.org) : Assessment of fast-start finance commitments under different additionalité definitions, F. Fallash et L De Marez, 5. oct. 2010
Cette étude montre que si l’on considère que l’additionalité est tout financement intervenant en dehors de l’Aide Publique au Développement, les promesses ne sont plus que de 8,2 milliards de dollars au lieu d’une trentaine actuellement (principalement grâce au Japon (7,8 milliards de dollars). CQFD.
Climat : l’UE bouge encore
Malgré l’énorme claque qu’elle s’est prise à Copenhague, l’Union Européenne reste déterminée à être leader et acteur important de la lutte contre les changements climatiques.
La Commission vient de publier ce qui semble être tout à la fois une analyse et une feuille de route. Elle est dans les grandes lignes en accord avec la résolution du Parlement Européen sur les résultats de Copenhague ; cette dernière est cependant plus volontariste sur l’action interne de l’UE, et réclame notamment le passage unilatéral à 30% de réduction sur la base d’une analyse coûts-bénéfices.
L’UE est assez clairvoyante sur ses échecs (manque d’unité… c’est le moins que l’on puisse dire) et veut croire en ses atouts (seul groupe d’Etats à s’être engagé sérieusement sur le chemin de Kyoto, législation déjà adoptée pour le régime futur…) pour revenir dans la course et être le leader mondial de l’action. On verra bien si le couple sino-américain aura envie d’ouvrir le cercle.
L’UE souligne habilement les grands problèmes du Protocole de Kyoto : existence de surplus de quotas (Russie et Ukraine) reportables sur l’avenir et susceptibles de saper l’effort des pays développés, problème de comptabilité du changement d’usage des sols. Et de conclure que la Commission va faire une analyse des effets de différents régimes légaux, y compris une seconde période d’engagement dans le cadre du protocole de Kyoto. On se demande pourquoi une telle analyse n’a pas été réalisée avant Copenhague (ou alors ce que va apporter la prochaine analyse !). Sans lien explicite, il est également rappelé l’exigence d’inclure les Etats-Unis et les grands émergents dans le régime. Sous-entendu très fort de l’UE : le protocole de Kyoto en l’état actuel des choses va mourir en 2012.
Ce point est pourtant un casus belli avec le G77+Chine, qui s’arcboute sur Kyoto… et, il faut bien le dire, parfois de manière irrationnelle (de nombreux pays au sein du G77 auraient intérêt à une remise à plat de l’ensemble du régime). Mais on peut comprendre : le niveau de confiance est tellement bas que chaque acquis est défendu avec rage et que la cohésion du groupe est vécu comme une priorité absolue pour pouvoir exister au sein des négociations. Et l’UE est particulièrement coupable de cette confiance quasi-inexistante : la Présidence danoise de Copenhague a été calamiteuse et les traitrises réelles. On récolte ce que l’on sème.
Mais ce qu’on retiendra le plus est la pertinente analyse de la Commission sur les engagements de réduction des émissions des pays développés, qui sont très clairement insuffisants (pour atteindre l’objectif affiché de limiter le réchauffement à 2°C). On a en déjà parlé ailleurs. L’UE en fait le constat amer ; et l’amertume est renforcée avec les faiblesses du protocole de Kyoto. Mais l’UE s’arrête au constat. Et ne propose pas de voie pour faire évoluer cet état de fait, pourtant le coeur du problème. Elle oublie également de parler des engagements des pays en développement (Brésil, Chine) qui sont, eux, au niveau nécessaire pour atteindre l’objectif du +2°C. Bref, l’UE invente la politique de l’autruche qui a un oeil dehors : en savoir un peu, mais ne pas trop réfléchir et se voiler la face malgré tout.
Bon aller, on va essayer de finir avec une note positive : nos technos préférés de la Commission vont élaborer des schémas pour une politique de réduction de 30% des émissions en 2020, et pour des chemins vers 2050. Ces études sont nécessaires et permettent de se projeter dans l’avenir. On les attends avec impatience : les trucs techno c’est pas très sexy, mais de toute façon il y a longtemps qu’on abandonné l’idée d’avoir des rêves politiques avec l’UE. Alors faisons contre mauvaise fortune bon coeur. Et que la Terre nous pardonne.
Edit : ok ce constat est un peu sévère et il y aurait des raisons de dresser un tableau un peu plus clair…
Climat : l’Union Européenne trouve un accord sur le climat… insuffisant
Lors de la conf de presse du 30 octobre à l’issue du Conseil Européen, il a été annoncé avec d’immenses sourires que l’Union Européenne « avait fait son job » en matière de climat et qu’elle garde le leadership. En effet, le Conseil a validé un certain nombre de propositions issues de la Commission (voir ici le déclarations du Conseil) :
- déblocage de financements rapides nécessaires pendant les 3 années à venir (d’ici 2012), compris entre 5 et 12 milliards d’€ par an. Ces sommes sont mondiales, et l’UE considère qu’elles devront être provisionnées sur une base volontaire.
- un objectif de financement des pays en développement de 100 milliards d’€ par an d’ici 2020
- dans cet objectif, un financement public compris entre 22 et 50 milliards d’€ par an d’ici 2020 en cas d’accord ambitieux, et pour lequel l’UE est prête à participer dans une « proportion équitable ». La Commission parlait de 15 Md€ dans son papier, le montant n’a pas été précisé par le Conseil européen.
- la constitution d’un groupe de travail pour arriver à répartir l’effort entre les pays, en fonction de leur capacité à payer (cela a permis de relever les très grandes réticences des pays de l’est)
Plusieurs remarques :
- à quel titre l’UE est-elle en mesure de décider des volumes nécessaires pour le monde, alors même que les discussions sont en cours ? Il est une chose d’annoncer sa participation à un financement, et une autre de dire combien ce financement global devra représenter. Cette façon de faire pourrait irriter, à raison, les pays en développement.
Surtout que, 100 Md d’euros de financements additionnels (150 Md de $) est un chiffre plutot faible. L’UNFCCC estime les besoins d’investissement supplémentaires plutot à 300 Md de $ par an d’ici 2020. Il est vrai que l’estimation de l’UNFCCC est mondiale, tandis que l’analyse de l’UE est à destination des pays en développement… donc les deux chiffres ne sont pas comparables. Mais si on prend les deux chiffres pour les réunir en considérant que l’UE prend la même base mondiale que l’UNFCCC, on constate que l’UE considère que 50% des investissements futurs doivent se faire dans les pays développés… ce qui est contestable. Ou alors, c’est que l’UE considère que les besoins de financements sont moindres.
- sur les 100 Md€, l’UE veut que 22 à 50 Md€ soient publics. C’est faible. Car dans ces 100 Md€, il y a la partie « adaptation » (en distinction de l’atténuation). Or le financement de l’adaptation doit/ne peut qu’être public. Et l’adaptation coûterait plusieurs dizaines de milliards de $ (le chiffre 100 md$ semble raisonnable). Ce qui ne laisse plus grand chose pour l’atténuation… qui a pourtant également besoin de financements publics (même si la majorité des capitaux pourront être privés).
- 22 à 50 Md€ ca fait 33 à 75 Md$, soit entre 0,083% et 0,188% du PIB de l’OCDE… alors que dans les négociations internationales, les pays en développement réclament entre 0,5% et 2% du PIB des pays de l’annexe I (Annexe I= à peu près équivalents à OCDE).
Bref, l’accord interne de l’UE est heureux. Mais pas aussi spectaculaire qu’espéré. Il n’y aura pas eu de miracle. Il n’y en aura sûrement pas davantage dans les négo internationales. Le climat est mal parti.
En route vers Copenhague : suivi des positions (5)
Voir les épisodes précédents : (1), (2), (3), (4), post sur la position de l’Afrique.
En résumé : Copenhague ? C’est foutu pour un accord global, préparons tout le monde à cela.
Malgré les appels à un succès à Copenhague de la part de quelques négociateurs de pays développés pro-actifs (tel celui de David Miliband), il faut commencer désormais à préparer l’opinion : Copenhague sera un échec. Ou plus exactement, ce ne sera pas un succès, c’est à dire un accord global permettant d’organiser l’action humaine sur les prochaines décennies. Des accords semi-satisfaisants sont encore possibles et restent de l’ordre du très probable : accords multilatéral pour repousser l’échéance des négociations, accords entre les volontaires, accords bilatéraux/multilatéraux..
Pour illustrer cette quasi-certitude, Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la convention des Nations unies sur les Changements Climatiques, a fait une annonce dans ce sens (dernière déclaration en date) : la réalisation d’un accord « complet » (« comprehensive » in english) n’est plus possible dans le temps qu’il reste pour négocier. Mais ce n’est pas « nécessaire » d’après lui… bien qu’il se soit battu depuis le début pour cela.
Parallèlement, Yvo de Boer appelle toujours à un leadership plus engagé de la part des pays industrialisés, se félicitant d’avancées grâce à l’alternance au Japon, à l’engagement de l’UE, aux discussions bilatérales de la Chine et des Etats-Unis. Yvo de Boer affirme qu’il n’y a pas assez d’argent mis sur la table par les pays développés en faveur des pays en développement.
Cette analyse d’une impossibilité d’avoir un accord global est partagée par la plupart des personnes qui sont engagées dans le suivi des négociations (j’ai eu l’occasion d’en discuter rapidement à l’IDDRI ou avec Pierre Radanne par exemple).
Faisons le point sur quelques éléments sur les positions des pays pour prendre la température du « moral international »…
- Union européenne et pays membres
Alors qu’il se débattait su la taxe carbone interne, l’annonce par Nicolas Sarkozy de vouloir imposer une taxe aux frontières de l’UE sur les émissions de carbone des produits importés a jeté le froid dans la communauté internationale… Cela pourrait très bien bloquer les négociations, puisque ce serait un dispositif qui désavantageraient les pays émergents, alors que ceux-ci exigent toujours des engagements plus importants de la part des pays industrialisés -dont l’UE- afin de pouvoir atteindre l’objectif de « maximum +2°C ».
L’UE met la pression sur l’Afrique du Sud pour que la nation arc-en-ciel les pays émergents à réduire leurs émissions… et s’inquiète de l’aboutissement de Copenhague.
L’UE a annoncé la semaine dernière qu’elle pourrait apporter 15 milliards d’Euros par an aux pays en développement. Cette offre est le premier élément chiffré dde soutien de la part de pays industrialisés. Mais cette annonce est loin de sembler suffisante (il n’y a qu’à voir les demandes de l’Afrique…), et elle est en recul par rapport au plan précédent (qui prévoyait 24 milliards par an), comme l’ont souligné WWF, Greenpeace ou Oxfam.
- Etats-Unis
Les débats font toujours rage autours de la loi sur l’énergie. Le lobby énergétique (charbonnier principalement) offre des repas, des concerts gratuits afin de gagner l’opinion. Celle-ci reste globalement en faveur d’un système de cap and trade, mais ce n’est pas gagné…
Les avancées semblent faibles dans les discussions au Sénat et tout report de l’adoption de la loi pourrait être catastrophique pour les négociations internationales.
Todd Stern, en charge des négociations pour les Etats-Unis, a fait part des « difficultés » dans le cadre des négociations officielles, notamment par manque de temps.
Cependant, les Etats-Unis soignent leurs relations avec la Chine sur le dossier du climat, Nancy Pelosi déclarant que le monde avait beaucoup à apprendre sur le travail de Pékin concernant le climat (ce qui est sûrement vrai !).
- Inde
L’Inde est un acteur absolument central des négociations… et continue de souffler le chaud et le froid.
Le gouvernement est prêt à s’engager sur des réductions volontaires, c’est à dire non obligatoires (ie. non sanctionnées en cas de non respect). M. Ramesh, Ministre de l’environnement, répète à l’envie : “we are proactive, constructive, we want a fair and equitable agreement in Copenhagen”. Il est vrai que l’Inde s’est doté de politiques domestiques très offensives, en termes d’énergies renouvelables par exemple. M. Ramesh évoque la possibilité d’une loi nationale afin d’organiser les politiques sectorielles. Mais le refus d’inscrire des obligations nationales dans des engagements internationaux est catégoriques. Ce qui fait dire à M. Ramesh que ce ne serait pas une catastrophe en cas d’échec à Copenhague…
M. Rasmussen, Premier Ministre Danois, a rencontré son homologue Indien (M. Sing) afin d’accentuer la pression diplomatique…
- Chine
Le Premier Ministre Chinois appelle les Etats-Unis à prendre le leadership dans les négociations, tout en rappelant l’engagement du pays du soleil levant.
Encore et toujours, la Chine appelle les pays développés à se fixer des objectifs de réduction plus ambitieux.
- Japon
Comme je l’écrivais dans un post précédent, l’alternance au Japon a donné un peu d’air aux négociations… mais insuffisamment pour tout débloquer.
- Thailande
La Thailande refuse de se fixer des objectifs de réduction d’émission contraignants. Le pays souhaite une approche sectorielle des négociations.
- Corée du Sud
Le Ministre de l’Environnement, M. Maanee Lee, a déclaré jeudi 10 septembre que Copenhague n’aboutira probablement à un accord, bien que les quatre plus grandes économies asiatiques joueront un rôle majeur de liaisons entre pays développés et en développement.
- Nouvelle-Zélande
Le gouvernement néozélandais a annoncé une révision du système de permis d’émissions afin de diviser par deux son coût (par rapport au schéma élaboré par le précédent gouvernement dirigé par le Labour), tout en couvrant tous les secteurs et tous les gaz. La réduction des coûts passe par l’application d’une « phase de transition » lors de laquelle les réductions ne seront obligatoires qu’à 50% de ce qu’elles étaient au préalable, et avec un prix d’option fixe (achat de permis à un prix plafond). La réduction des coûts passe donc par une réduction des ambitions environnementales à court/moyen terme. L’objectif du gouvernement est de faire adopter le nouveau plan d’ici Copenhague.
- Cuba
Cuba annonce son soutien aux positions défendues par les pays émergents (Chine, Inde), c’est à dire des objectifs de réductions de 40% des émissions des pays développés d’ici 2020 par rapport à 1990.
- Brésil
Le Ministre de l’Environnement brésilien, M. Carlos Minc, a déclaré que les objectifs de réduction des Etats-Unis restent inacceptables et devraient se rapprocher de -20% en 2020 par rapport à 1990 (au lieu de -4%).
Le Ministre a également déclaré qu’il était modérément optimiste et qu’un accord ne serait pas facile.
Parallèlement, le Brésil a annoncé de nouvelle restrictions sur le secteur agricole afin de limiter la destruction de la fôret primaire.
- Afrique du Sud
Le plan de lutte contre les émissions, annoncé par le gouvernement comme ne remettant pas en cause la croissance du pays, fait débat et est critiqué par l’Alliance Démocratique.
- Cameroun
Le Cameroun annonce attendre beaucoup de Copenhague…
- Aviation
L’Organisation Internationale de l’Aviation Civile veut croire en un accord sectoriel possible d’ici un mois (réunion à Montréal le 7-9 octobre).
Prochains RDV cruciaux : la réunion des Nations unies à New-York le 22 septembre ; le G20 de Pittsburg le 23 septembre.
En route vers Copenhague : suite aux discussions de Bonn
Quelques mots rapides pour compléter que les discussions à Bonn… rien de très positif.
- Comme le disent les Nations unies (si si), les discussions ont faiblement progressé, les engagements des pays développés sont trop faibles et il est nécessaires qu’ils soient significativement accrus afin de pouvoir débloquer la situation (comme déjà écrit ici). Pas grand chose à ajouter.
- La Chine annonce par la voix de Su Wei, officiel Chinois auprès du Financial Time, qu’elle est prête à faire en sorte que ses émissions « piquent » (atteignent leur maximum) d’ici 2050. La Chine refuse toujours de se voir astreindre à des contraintes chiffrées de limitations pour l’instant. On peut penser que cette position serait susceptible de changer à condition que les pays industrialisés se fixent des objectifs plus ambitieux (au moins 40% de réductions en 2020 par rapport à 2050).
Rappelons que, afin d’atteindre -potentiellement- l’objectif de maximum +2°C en 2100, il est nécessaire que les émissions mondiales atteignent leur maximum avant 2015, d’après le GIEC (voir groupe 3), et que la Chine est le premier émetteur en valeur absolue (depuis mi 2007)… autant dire que le « +2°c » est mal engagé.
Cette annonce de Su Wei est faite en même temps qu’une étude est publiée, indiquant qu’il serait tout à fait possible pour la Chine de voir ses émissions atteindre leur maximum d’ici 2030… soit un scénario bien plus compatible avec l’objectif « +2°C ».Voir la dépêche de Reuters sur la publication [après courte recherche sur google, je n’ai pas trouvé l’étude…].
Une autre étude (que je n’ai pas encore lue) publiée par le Tyndall Center for Climate Change Research, issue de 3 ans de recherches, montre qu’il serait possible pour la Chine de mener une politique qui permette d’atteindre l’objectif mondial de 450 ppm (objectif 2°C) tout en préservant le développement économique.