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Climat : bilan de la réunion à Tianjin, une histoire de petite cuillère
Article publié initialement sur adopt a negotiator.
A Tianjin, en Chine, se tenait jusqu’au samedi 9 octobre la dernière séance intermédiaire de négociations avant la Conférence des Parties à la Convention qui se tiendra à Cancún en décembre prochain. Le résultat est très mitigé. Tentative d’explications.
Situation générale
Après la claque de Copenhague (où, rappelons-le, il n’a été produit en décembre qu’un texte à caractère politique non approuvé par tous les pays), les réunions qui se sont tenues à Bonn en juin puis à Tianjin la semaine dernière avaient pour objectif de continuer à travailler dans le cadre du processus de négociation du Plan d’Action de Bali (2007). Les négociations sont organisées dans selon deux voies parallèles dites AWG-KP et AWG-LCA : la première doit permettre la suite du protocole de Kyoto tandis que la seconde doit permettre une coopération plus large et de long terme (en intégrant les Etats-Unis et les grands pays émergents dans les efforts de réduction des émissions).
A Copenhague, les textes des deux groupes KP et LCA avaient été sauvés d’un abandon total afin de ne pas perdre deux ans de travail. Dans le LCA, lors des réunions de Bonn de juin dernier, les textes de négociation avaient beaucoup enflé car les pays ont tenu à inclure toutes leurs positions et ont rejeté des textes plus concis proposés à deux reprises par la Présidence. Or, l’objectif est d’arriver à Cancún avec des textes suffisamment courts et clairs afin que des choix politiques puissent être réalisés. A Tianjin, l’objectif était donc de couper, réorganiser, concentrer les textes afin de permettre l’adoption de Décisions qui constitueraient le socle de construction d’un (ou plusieurs) traité(s) pour la COP17 à en Afrique du Sud de 2011.
Avancer de manière « équilibrée »
« Balanced » (équilibré) aura été le mot dans toutes les bouches de cette réunion de Tianjin. La notion d’équilibre est difficile à décrypter, mais l’idée principale semble être que les négociations internes à chaque groupe de discussion (KP et LCA) doivent avancer de manière cohérente sur les principaux chapitres… mais aussi que les deux groupes doivent avancer tous les deux de manières coordonnées.
Par exemple actuellement, d’après Paul Watkinson (chef de délégation de la France), pour l’Union Européenne le LCA est en retard sur le KP. L’idée est la suivante : les discussions sur la prolongation du protocole de Kyoto qui engagent les pays développés (hors Etats-Unis) ne peuvent aboutir qu’à la condition qu’il y ait une visibilité claire de ce qu’il se passe concernant les Etats-Unis et les pays émergents dans le LCA. Cette visibilité concerne le niveau d’engagement de réductions, mais aussi le caractère contraignant de ces engagements et les règles générales qui s’appliquent. L’UE exige d’avoir des garanties sur ces deux points avant de s’engager elle-même.
Le problème est que chaque groupe de Parties a sa propre définition de ce qu’être « équilibré » : l’Union Européenne a esquissé une liste d’éléments dans un document interne, le G77+Chine a fait de même. La Présidence a proposé une série d’éléments qui pourraient constituer un paquet de décisions équilibré, sans recevoir de soutien particulièrement enthousiaste de l’ensemble des Parties.
Ce qui a bloqué
Or, actuellement, le LCA n’avance pas sur deux chapitres essentiels (dits « 1bi » et « 1bii ») qui concernent la réduction des émissions des pays développés d’une part et celle des pays en développement d’autre part. A Tianjin, les négociateurs n’ont même pas travaillé réellement sur le texte. Lors de la séance plénière de conclusion du LCA, chaotique, la Présidence du groupe a proposé une note décrivant les différentes positions entendues lors de débats… Mais cette note a été assez mal accueillie (erreurs, formulations explosives, interrogation sur son statut juridique…). Au final elle a été acceptée comme un aide-mémoire des débats passés, mais sans résoudre du tout le problème de l’absence de texte.
Un autre chapitre bloquant, directement en lien avec les précédents, est celui dit du « MRV » (pour « measurable, verifiable, reportable ») : il s’agit cette fois de trouver un système international qui permette d’établir transparence et confiance sur la réalité des actions entreprises pour réduire les émissions. Ce chapitre est très lié à la question des financements, puisque le MRV peut également s’appliquer au contrôle des financements effectivement dégagés par les pays développés. Ce problème du MRV n’est pas nouveau, il avait été très présent à Copenhague ; la Chine semble montrer très peu de flexibilité pour tout système de vérification qui interviendrait sur son sol… à moins que ce ne soient les Etats-Unis qui exigent des contrôles trop importants ?
Des discussions de procédure et des blocages difficilement compréhensibles dans KP
Sur l’autre voie de négociation relative au protocole de Kyoto, on a assisté tout au long de la semaine des échanges assez virulents sur le respect des procédures. En effet, les discussions actuelles sont encadrées par un mandat ; or celui-ci ne comprend pas certains aspects que pourtant certains pays exigent de régler avant d’avancer sur le chiffrage des réductions d’émissions. Ces points problématiques sont, grosso modo, les règles de comptabilité des émissions de GES et la gestion du surplus d’unités d’émissions de la première période. L’UE, mais aussi l’Australie, le Japon veulent l’établissement clair de ces règles, pour pouvoir ensuite prendre des engagements. Ce qui paraît assez logique (on peut en effet modifier substantiellement la nature d’un engagement chiffré en modifiant les règles du jeu a posteriori).
Mais le Brésil et la Chine mettent un point d’honneur à vouloir s’en tenir de manière étroite au mandat initial du groupe de travail, c’est à dire uniquement le chiffrage sans discussion sur les règles. Résultat : les discussions s’enchaînent et se répètent sur la procédure, sans que rien ne bouge sur le fonds.
Il est assez difficile de comprendre la dynamique qui est derrière ce blocage. Les pays en développement n’ont de cesse de répéter qu’ils exigent la survie du protocole de Kyoto. En jouant sur la procédure comme ils l’ont fait à Tianjin, le Brésil et la Chine réduisent les chances de progrès et donc, in fine, d’un accord à Cancún.
Inversement, pourquoi les pays développés exigent-ils de dépasser le mandat de Bali ? N’auraient-ils pas anticipé, lors de l’établissement du mandat de travail, les questions qu’ils mettent aujourd’hui sur la table ? Ce serait étonnant, tant chaque position est pesée et pensée à long terme… Y aurait-il donc un piège tendu par les pays développés ?
A moins que la discussion sur les règles ne soit pas appréciée par le Brésil et la Chine, simplement par défense de leurs intérêts. On sait qu’il faudra une cohérence des règles entre le KP et le LCA. Ainsi, les pays en développement auraient peur de discuter de ces règles (dont ils savent qu’elles devront s’appliquer au moins partiellement à eux) tant que d’autres points ne sont pas éclaircis dans le cadre du LCA.
Tout ceci n’est que suppositions. Mais le fait est que les négociations sur la seconde période d’engagement, qui doit commencer en 2013, n’ont pas avancé à Tianjin.
Les points qui ont avancé
Sur les autres chapitres, en revanche, les discussions semblent avoir été constructives globalement. Par exemple, sur les financements à long terme, des brouillons de décisions ont été discuté, ce qui indique un niveau avancé de négociation. D’ailleurs on peut espérer l’établissement à Cancún d’un « fonds vert » par une Décision. Celle-ci organisera également le processus de « faisabilité » de ce fonds pour 2011, c’est à dire la réflexion sur la concrétisation du fonds (choix institutionnels, organisation concrète, levée des fonds…), afin d’une mise en place dans les années qui suivent.
De manière similaire, la question des transferts de technologies a continué d’avancer : la création d’un Comité Exécutif des Technologies doublé d’un réseau de centres régionaux de soutien aux transferts de technologies pourrait être décidée. Les autres chapitres plutôt encourageants sont ceux relatifs l’adaptation, à la protection des forêts (mécanisme dit REDD+).
Chemin vers Cancún : garder de l’optimisme
La question principale est donc : les deux mastodontes (Etats-Unis et Chine) vont-ils bouger à Cancún ? Il faut absolument que la question du « MRV » trouve une issue rapidement. A priori, comme pour Copenhague, cette question ne peut pas être réglée au niveau des négociateurs : il faut qu’elle le soit au niveau politique.
Les Etats-Unis ont annoncé et répété leur volonté d’aller vers un engagement contraignant. Jonathan Pershing (chef de délégation) a affirmé avec vigueur que son pays garde une forte volonté d’agir en interne par la réglementation, mais qu’en aucun cas la situation interne à son pays ne peut justifier un blocage de la part des autres pays.
En face, la Chine, notamment en accueillant pour la première fois une réunion de l’UNFCCC, a également voulu démontrer sa volonté d’avancer : elle a rappelé ses engagements nationaux – qui sont réellement importants-, ainsi que la réalité de ses politiques nationales.
Mais concernant l’atténuation des émissions, il existe un réel problème : les engagements des pays développés sont, pris ensemble, trop faibles pour permettre le respect de l’engagement dit du « 2°C » (i.e. pas de réchauffement supérieur à 2°C en 2100 par rapport à la période préindustrielle). L’accroissement de ces engagements paraît indispensable aux yeux des pays en développement… Or pour cela, il n’y a pas a priori de réserves de réductions : nous sommes aujourd’hui sur des promesses d’engagements qui sont fixes par rapport à il y a un an. Et il n’y a rien qui laisse penser que les pays développés ont l’intention de bouger pour aller plus loin.
Au-delà du fond, il y a également une sérieuse inquiétude à avoir : il est à craindre que les textes des deux chapitres problématiques du LCA soient encore bien trop longs (et mal organisés) pour pouvoir permettre d’aboutir à une conclusion à Cancún. Or, en respect du principe d’équilibre sur lequel tout le monde s’accorde, si ces chapitres bloquent, c’est tout le reste qui coince également !
Une absence de tout résultat à Cancún serait sérieusement inquiétante : cela pourrait mettre davantage en péril le processus des Nations unies (déjà décrit par de certains acteurs comme « malade »).
On retiendra cependant l’optimisme de Mme Figueres, la secrétaire générale de la Convention : elle croit tout à fait en une possible réussite et rappelle qu’il n’existe pas d’alternative aux Nations unies. Elle rappelle qu’elle n’a entendu aucune Partie s’opposer à l’idée d’un accord contraignant, et que de nombreuses Parties se sont même exprimées en sa faveur. Elle dédramatise la situation en la remettant en perspective : l’humanité fait face à un changement d’une ampleur inédite dans toute son histoire. Il est donc normal que cela soit compliqué, difficile.
Mme Figueres n’est pas une adepte des grands soirs : pour elle, changer le monde se fait avec une petite cuillère. Je ne peux m’empêcher de vouloir y croire, tout en ayant peur que la cuillère serve plus à le ramasser, ce monde, plutôt à qu’à le changer…
Négociations à Tianjin, état d’esprit
Article publié initialement sur adopt a negotiator.
Copenhague était LE rendez-vous pour le climat. Copenhague a failli. Aujourd’hui, la situation est toujours problématique et les discussions internationales continuent. Ambiance gueule de bois (sans fête au préalable).
Copenhague, un sauvetage sous forme d’échec
Le naufrage complet de Copenhague a été évité « grâce » aux chefs d’Etat qui se sont réunis les derniers jours de la 15ème Conférence des Parties (COP15) de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) à Copenhague en décembre 2009. Non pas que les chefs d’Etat aient tranché les questions problématiques des discussions comme ils auraient pu le faire -cela aurait été faire de Copenhague un succès-, mais ils ont réussi à s’accorder sur un texte vague et incertain pour montrer leur « détermination politique ».
Mais le texte n’a pas été adopté par l’ensemble des pays, notamment parce que la procédure de son établissement avait privé la plupart des pays de toute expression ou participation. Pour sauver le texte de sauvetage (sic), il a été décidé que chaque pays donnerait plus tard (fin janvier 2010) son soutien à ce texte, ainsi que les engagements qu’il est prêt à prendre en matière de réduction des émissions. Voilà qui était intelligent : ce que nous nous disons ensemble conduit au désaccord, alors disons-le séparément et le désaccord disparaitra. Evidemment, ce texte, au statut juridique flou et qui n’a pas permis de dépasser les grands blocages, ne résout rien. Aujourd’hui l’avenir climatique du monde est toujours des plus incertains.
Pas de gouffre, mais une grande claque
Pour Copenhague, la société civile mondiale s’était mobilisée à un niveau sans précédent pour une question environnementale. Les actions symboliques ont été très nombreuses ; les ONG, syndicats, partis politiques ou simples citoyens ont fait monter la pression sur leurs dirigeants. Les médias étaient au rendez-vous. Copenhague était le symbole du « maintenant ou jamais », stratégie développée pour faire monter la tension dans l’espoir d’une mobilisation toujours plus grande. Dans l’imaginaire collectif, Copenhague marquait notre présence « au bord du gouffre ». Or les dirigeants n’ont pas réussi. Heureusement, nous ne sommes pas tombés dans le gouffre.
Mais la claque fut grande. Et les réactions diverses. On a vu, en cette année 2010, les mouvements négationnistes des changements climatiques prendre de l’essor : ils trouvaient une audience. Réflexe de protection : si nous n’arrivons pas à résoudre la situation, alors considérons la situation comme moins grave, et le problème disparaît. Pourtant rien n’a changé, les tendances géophysiques longues sont toujours là, soutenues par des évènements de court terme inquiétants (les feux de forêt en Russie, les inondations en Afrique de l’Ouest, Chine, Pakistan…).
Pour la société civile, le succès de mobilisation pré-Copenhague s’est transformé en gueule de bois magistrale : comment faire quand LE moment qui devait sauver le monde est passé et que rien n’est résolu ? En fait, en matière de climat, il n’y a pas de gouffre (les changements ne seront jamais brutaux à l’échelle de la vie humaine), mais seulement une pente qui descend de plus en plus vite. Nous sommes donc toujours sur la pente descendante.
Aujourd’hui, ce qu’il se dessine pour l’avenir
En décembre prochain, la Conférence des Parties (COP16) se réunit comme chaque année, à Cancun cette fois. Il est clair que la mobilisation de la société civile n’est pas de la même ampleur qu’il y a un an. Et pourtant l’avenir du climat est toujours en discussion. La société civile se mobilise de nouveau, dans une ambiance « chat échaudé craint l’eau froide ». Moins d’enthousiasme passionné, mais aussi plus de pragmatisme
La COP16 du Mexique ne sera pas celle de la délivrance : il n’y aura pas de traité global. Les discussions techniques, qui ont repris sur les bases des discussions laissées en friches à Copenhague, ont continué lors de réunions successives à Bonn les mois passés, avec morosité. La confiance entre de nombreux pays a été gravement atteinte à Copenhague.
L’un des objectifs principaux de la société civile est donc d’arriver à relancer une dynamique positive dans le processus de discussion multilatérale. Permettre que la confiance revienne et consolider les bases pour un accord à venir un an plus tard (lors de la COP17 de décembre 2011 en Afrique du Sud). L’enjeu est important : si la confiance ne revient pas, il est probable qu’on assistera à la déliquescence du processus multilatéral sous l’égide de l’ONU. Or il n’existe aujourd’hui aucun cadre alternatif satisfaisant.
Certains critiquent le processus des Nations Unies sur le climat car la CCNUCC semble tourner dans le vide depuis vingt ans sans permettre de réelle prise en main de l’avenir climatique. Mais quelles seraient les alternatives ? Toute décision des principaux forums mondiaux (G8, G20…) ou de forums ad-hoc (Forum sur l’Energie et le climat de New-York…) ont la particularité de ne représenter que les plus riches, les plus gros, les plus puissants ou les plus pollueurs. Toute décision prise dans un tel cadre exclurait de fait les plus pauvres, les plus faibles, les victimes et ne pourrait être que considérée que comme injuste (quand bien même, dans un élan d’altruisme peu probable, les riches-puissants-polluants auraient décidé de prendre une décision très ambitieuse et équitable). Sortir le climat des Nations Unies serait la marque d’un échec majeur de la gouvernance mondiale un tant soit peu équitable.
Cela ne veut pas dire que l’action décentralisée au niveau des pays, des régions, des villes, des entreprises, des ONG, des citoyens est sans valeur. Au contraire ! Cette action décentralisée est la preuve que le monde, au niveau du sol, veut avancer dans une direction positive. Cela est fondamental (et ne pas l’avoir serait inquiétant : sachons nous satisfaire des choses qui vont bien !). Mais cela ne permet pas pour autant de se passer d’une coordination internationale pour gérer le bien public mondial qu’est le climat, afin de garantir équité, justice et réelle durabilité pour l’humanité.
Lors de la réunion préparatoire de Tianjin, du 4 au 9 octobre, il faut clarifier les choses et pousser pour remettre les négociations sur de bonnes bases en vue des discussions au Mexique, qui elles-mêmes permettront une réussite majeure en Afrique du Sud en 2011. A n’en pas douter.
Copenhague : les vrais résultats dans deux jours
Dans le fracas médiatique et sous le poids de la déception, on avait envie de refermer le chapitre « Copenhague » pour mieux regarder vers l’avenir. Et pourtant, Copenhague n’est pas fini ! En réalité, nous connaitrons dans deux jours la réelle valeur de cet accord « politiquement contraignant ». Explications.
Rappelons d’abord que la Conférence des Parties (CdP) à la Convention Cadre des Nations unies n’a pas adopté de décision entérinant l’accord de Copenhague, mais a seulement « pris note » de cet accord. En effet, l’unanimité était requise pour une décision de la CdP, or au moins quatre pays se sont fermement opposé à une telle décision (Tuvalu, Soudan, Venezuela, Bolivie).
A la suite de demandes de la part des Etats, une note du Secrétariat de l’UNFCCC a donné les précisions concernant ce point (confirmant les explications d’observateurs avisés) :
The decision was adopted with the explicit understanding that the Accord would be attached to the decision and that the chapeau of the Accord would list Parties that wish to associate themselves with it. (…) I would invite those Parties (…) to transit this information to the secretariat by the 31 January 2010.
Autrement dit : pour le moment nous ne savons rien de la portée politique réelle de l’Accord car nous ne savons toujours pas qui l’a signé ! Comme le souligne le Conseil d’Analyse Stratégique, l’accord ayant été principalement négocié entre les deux géants chinois et américain, il est probable que les deux s’y associent. Comme d’ailleurs, l’ensemble des 26 pays présents lors du round final de négociation, ainsi que l’UE qui a été mise au pied du mur. Mais nous ne sommes pas à l’abri de surprises parmi ces probables signataires et surtout une grande inconnue pèse sur tous les autres pays (c’est à dire la majorité !). Le Secrétariat rappelle cependant qu’il actualisera la liste des pays signataires, y compris après le 31 janvier (pour qui loupe le train ou a envie de le prendre après tout le monde, ce sera encore possible).
De manière plus opérationnelle, exactement le même cas de figure se présente pour les engagements chiffrés de réduction des émissions de GES : les pays développés (dits annexe I) doivent fournir leurs engagements de réductions pour 2020 d’ici le 31 janvier, tout comme les pays en développement (dits non annexe I) doivent indiquer les actions nationales d’atténuation des émissions (dits NAMAs en anglais). En somme, le niveau réel d’engagement des pays, qui permettra d’évaluer le niveau de l’action globale, ne sera connu que dans quelques jours.
En réalité, nous avons déjà quelques idées grâce aux déclarations dans la presse (voir la fin de l’article pour les détails) : Etats-Unis, Japon, Norvège, Union Européenne vont garder leurs engagements (qu’on rappelle insuffisants : voir ici et ici). Première (très) désagréable surprise : le Canada ne va pas donner d’engagements (cela signifie-t-il qu’il ne signe pas l’Accord ?). Le Nigéria ne va pas signer l’Accord. Chine, Inde, Brésil n’ont pas encore communiqué leurs engagements, bien qu’ils aient affirmé leur volonté de respecter les délais.
Au passage, la notion « d’accord politique » est également précisée dans une seconde note du secrétariat, rédigée après des demandes (probablement énervées) de précision de certaines Parties concernant l’usage du terme par le Secrétariat dans la première note « In the light of the legal caracter of the Accord… » :
The phrase « In the light of the legal caracter of the Accord… » should be read in its context. (…) since the Conference of the Parties neither adopted or endorsed the Accord, but merely took note of it, its provision do not have any legal standing within the UNFCCC process even if some Parties decide to associate themselves with it.
L’accord de Copenhague est donc le début d’un nouveau processus d’action internationale, parallèle à l’UNFCCC, organisé par l’UNFCCC mais qui ne lui appartient pas ! Rappelons qu’actuellement et suite au Plan d’Action de Bali, il y a déjà deux processus parallèles de négociations, qui ont (heureusement -afin de sauvegarder le travail réalisé depuis deux ans-) été prolongés par la Conférence de Copenhague. Voila qui n’est pas pour clarifier le régime international de lutte contre les changements climatiques.
Le Secrétariat devrait publier rapidement après le 31 janvier le rapport de la COP. Ce sera le vrai moment de dénouement de Copenhague ; qui a envie pourra reboucher le champagne une seconde fois.
Etat des engagements annoncés dans la presse :
– USA : -17% par rapport à 2005
– Norvège : -30% par rapport à 1990, révisable à -40%
– Canada : pas d’engagement pour l’instant. Question : cela signifie-t-il que le Canada ne va pas signer l’accord de Copenhague ?
– l’UE campe sur sa position : -20% par rapport à 1990, révisable à -40%
– Japon : -25% par rapport à 1990
– Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud se sont engagés à respecter les délais (donc implicitement à signer l’Accord). Mais pas d’information sur les engagements d’action nationales d’atténuation.
– Nigéria : ne signera probablement pas l’Accord de Copenhague avant le 31 janvier.
Photo : lepoint.fr
Copenhague : la note du Conseil d’Analyse Stratégique bien optimiste…
Le Conseil d’Analyse Stratégique a produit une note d’analyse de l’accord de Copenhage. Intéressante à lire car elle fait plutôt un bon état des lieux, certains points de positionnement du CAS sont cependant inquiétants. Explications.
Sur la perte d’influence de l’UE, le CAS est assez objectif : l’accord de Copenhague s’est réalisé principalement par un dialogue sino-américain plus quelques émergents mais sans l’UE. Celle-ci s’est pris une claque et a été contrainte d’accepter l’accord « faute de mieux » (dixit le CAS). On peut dire merci aux Danois pour leur présidence calamiteuse et à la France pour la cacophonie (cacophonie que le CAS constate, sans désigner de coupable !).
Mais ce qui inquiète, c’est l’obstination du CAS à vouloir trouver des aspects positifs afin de pouvoir parler de « demi-succès ». Comment parler de « demi succès » alors qu’on ne connaitra l’ampleur des engagements à agir de la part des pays que fin janvier, lorsque tous auront donné les engagements de réduction qu’ils veulent bien suivre ? Comment parler de demi succès alors qu’il n’y a pas d’objectifs globaux d’atténuation, ce qui est pourtant l’essence de l’action internationale contre les changements climatiques ?
Une petite remarque au passage : on peut avoir beau jeu de se fixer un objectif en terme de température (+2°C en 2100, comme dit l’accord de Copenhague), mais sans en tirer les conséquences en termes d’émissions, ca ne sert à rien ! Et puis, c’est une mauvaise facon de raisonner (mais j’y reviendrai dans un article à venir).
Et je crois que la palme de l’imbécilité dans l’accord de Copenhague est dans la petite phrase qui dit en résumé « on se fixe l’objectif de +2°C, et on verra plus tard si on rabaisse à +1,5°C »… On sait parfaitement que les années à venir sont absolument cruciales pour pouvoir atteindre un objectif aussi ambitieux que le +1,5°C, que c’est dans les 15 ans à venir que cet objectif se joue. Le fait de dire, « on verra plus tard », c’est rendre caduque la possibilité d’atteindre un tel objectif. Et puis, en toute logique, on devrait commencer par l’objectif plus ambitieux puis revoir à la baisse notre ambition si on s’aperçoit qu’on n’y arrive pas ou que cela est trop coûteux, non ? Bref, cette mention du « +1,5°C » sent à plein nez le chloroforme (pour endormir les plus pauvres : Afrique, PMA, petits Etats insulaires).
Revenons au « demi-succès » du CAS. Certes, America is back. Mais il était temps.
Certes, il y a un peu d’argent sur la table, mais pas beaucoup. Et dans les 30 md de $ pour 2010 à 2012, sont inclus les financements pour REDD plus… Et surtout, sur le long terme, on n’a toujours pas avancé sur le mécanisme de financement, sur la répartition des contributions etc. On est au point mort.
Certes un mécanisme technologique devrait voir le jour… Mais il est encore mal défini, et surtout il ne prend pour l’instant pas en compte les besoins particuliers des pays les plus vulnérables (on risque d’avoir un nouveau mécanisme qui favorise les pays émergents au détriment des PMA). Cependant, il faut reconnaître que c’est l’un des dossiers qui a le plus avancé.
Certes, il y a eu quelques avancées sur le MRV (monitoring, review, verification). Mais pas de mécanisme d’observance international.
Les « avancées » constatées par le CAS sont très maigres en comparaison des manques.
Mais surtout -là où je voulais en venir-, il y a quelques positionnements du CAS qui me font froid dans le dos :
- dans le paragraphe qui s’intitule « Vers un leadership retrouvé de l’Union européenne dans les négociations climatiques », on peut lire ceci (je souligne) :
le réajustement de la stratégie de négociation européenne est nécessaire aussi bien sur la scène internationale que communautaire. Dès le début de l’année 2010, l’une des questions les plus urgentes sur l’agenda communautaire sera de déterminer l’engagement de réduction des émissions européennes d’ici à 2020 qui sera proposé à la CNUCCC. L’Union devra en effet décider d’entériner ou non la hausse de l’objectif de réduction de ses émissions de – 20 % à – 30 % qu’elle avait envisagée lors du Conseil européen du printemps 2007 . Compte tenu de l’absence d’objectifs chiffrés dans l’accord de Copenhague, du refus de l’assemblée plénière des parties de l’adopter et de l’absence de taxe aux frontières, l’UE pourrait s’en tenir, dans un premier temps, à son objectif de – 20 %. Une décision future, de réduire de 30 % les émissions communautaires ne devrait en effet être prise qu’au regard de la comparabilité en termes économiques des efforts envisagés par les différents pays développés.
- Toujours dans le même chapitre, on peut lire ceci également :
Enfin, l’inscription de la lutte contre le changement climatique dans les agendas du G-20 et du G-8 qui seront présidés par la France en 2011, pourrait constituer une opportunité supplémentaire de redonner l’initiative à l’Union européenne.
- Dans la conclusion, on peut lire cela encore :
la conférence de Copenhague pourrait bien consacrer le dépassement de la gouvernance onusienne sur le climat, qui repose sur le principe du consensus à 192. Si la logique de la conférence plénière a prévalu durant les premiers jours de la négociations, c’est bien celle du dialogue entre une trentaine de pays « délégués », puis entre les États-Unis et les pays émergents, qui aura finalement permis de parvenir à un compromis. Il est néanmoins difficile à l’heure actuelle d’entrevoir une réforme du suffrage ou du mode de représentation des États au sein de la CCNUCC (…) Le régime du post-Kyoto pourrait donc être élaboré soit dans le cadre du G-20, qui présente l’avantage de regrouper les principaux émetteurs de GES, mais l’inconvénient d’écarter les pays les moins avancées, les petits États insulaires et la plus grande partie de l’Afrique (hors l’Afrique du Sud), soit dans d’autres instances à définir.
Sur la limite de la procédure ONUsienne actuelle, on ne peut qu’être d’accord. Mais de là à proposer que la question soit réglée par le G20 !… Cette solution est tout simplement impossible car cela constituerait un vol supplémentaire des pays qui n’appartiennent pas au G20, les plus pauvres et qui ne sont pas responsables et pourtant durement frappés. Une telle éventualité s’apparenterait à une double spoliation même : on leur vole déjà leur part du bien commun qu’est le climat (même en cas d’accord ambitieux, ils seront affectés), et on leur volerait en plus le droit de participer au choix de notre avenir commun ?! Un règlement par le G20 serait trop scandaleux pour être acceptable et cela ne manquerait pas de créer une crise internationale majeure.
En conclusion, la note du CAS, bien que globalement intéressante, fait preuve d’un optimisme et d’analyses prospectives un peu surprenants !
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Photo : récupérée ici.
J’ai choisi cette photo car elle représente, pour moi, le point de basculement de Copenhague. Le discours de B. Obama était très attendu : on savait que tout pouvait se débloquer s’il décidait de faire preuve de courage politique en allant au delà de ce que le Congrès prévoit pour l’instant pour la réduction des émissions. Les rumeurs circulaient : on espérait un -17% en 2020 par rapport à 1990 au lieu du -4% actuel (ce -17% serait possible avec l’usage de mécanismes de flexibilité notamment). Mais aucun chiffre nouveau n’est venu. A la place, un B. Obama très tendu, qui a fait un (mauvais) discours à destination des Américains et du Congrès. Imaginez ! devant une salle remplie de tous les pays du monde, il déclare que les Etats-Unis feront des réductions de GES car c’est « bon pour eux », car c’est bon pour leur « sécurité énergétique »… En disant cela, il signifiait explicitement à ses « partenaires commerciaux » en matière d’énergie (pétrole, gaz) qu’il voudrait s’en défaire car il n’a pas confiance en eux ! Le discours était extrêmement mal écrit, avec des approximations en termes de chiffres (pas de citation d’année de référence par exemple). Bref, la déconfiture. J’étais dans le grand hall, devant une télévision, avec une trentaine de personnes, nos visages se sont décomposés, les quelques regards et mots échangés étaient pour dire « rien de nouveau, c’est fini ». En fait, on gardait encore un espoir très mince qu’il n’avait pas annoncé de chiffres nouveaux pour pouvoir le faire pendant les négociations en conciliabules ou en tête à tête avec la Chine… La suite on la connaît : rien de nouveau, pas d’avancée.
Copenhague : état critique des négociations sur le climat lors des dernières 24h passées
Nous sommes dans l’avant dernier jour des réelles négociations. Le dernier jour ne compte pas, enfin c’est ce qui circule au sein des délégations. Il reste moins de 48h pour établir un accord. Explications sur les 24 dernières heures, vues de l’intérieur.
Hier devaient se conclure les travaux des deux groupes de travail initiés par le Plan d’Action de Bali (BAP en anglais) depuis deux ans maintenant. La clôture s’effectue lors de deux séances plénières distinctes. Initialement programmées en fin d’après-midi, elles ont été toutes deux reportées successivement dans la nuit. La première, sur la suite du Protocole de Kyoto, s’est conclue vers minuit avec un résultat très décevant (pas d’accord). Ce qui est inquiétant, car la prolongation du Protocole de Kyoto est une condition sine qua non pour les pays en développement pour signer un accord…
La seconde plénière, relative aux engagements de long terme et qui dépassent le cadre de Kyoto, s’est terminée ce matin vers 7h. La nuit a été longue. Je passe sur les détails des différents types de groupes constitués ces derniers jours pour faire avancer les discussions. Mais ils se sont prolongés bien au delà de ce qui était prévu. Et malgré une tentative de donner des “orientations politiques” susceptibles de faire évoluer les négociateurs en faisant intervenir les Ministres présents, le résultat des groupes de travail était très décevant : les textes étaient encore très longs, avec multitudes d’options, de parenthèses… ce qui les rendaient inexploitables.
Pour cette raison, hier dans la journée, le Président du Groupe, M. Cutajar, a pris l’initiative de proposer ses propres textes de synthèse, réalisé à partir des documents des groupes. Ce choix ultime était l’unique solution pour tenter de sauver les deux ans de travail écoulés.
A première lecture (vers minuit ?), j’ai trouvé que les textes apportaient de sérieux progrès par rapport à ceux qui étaient établis avant : textes courts, avec relativement peu d’options sur des points clés politiques que les ministres seraient à même de négocier. Le “package” était/est composé d’une décision principale, qui reprend l’ensemble des points du Plan d’action de Bali et des décisions subsidiaires, qui s’intéressent à chaque point pour donner des éléments plus précis. L’ensemble du Package devait être adopté par l’ensemble des pays lors de la séance plénière de conclusion du travail, afin d’être transféré à la Conférence des Parties qui se tient le lendemain et qui a le réel pouvoir politique.
C’était compter sans les Etats-Unis. L’Oncle Sam se croit au dessus de tous : il a donc fortement suggéré au Président du groupe, en privé, d’insérer quelques éléments et des “brackets” qui signifient qu’il n’y a pas d’accord sur le texte. Ils l’ont fait en particulier sur un point particulièrement sensible : l’engagement des pays développés à réduire leurs émissions (texte pourtant constitué de plusieurs options encore). Ces exigences allaient à l’encontre de la bonne conduite de la séance : si une Partie impose ses vues, pourquoi les autres n’en feraient pas autant ? Cela a été évidemment la réaction du G77, qui s’est senti spolié par rapport aux Etats-Unis. Le Président du groupe a passé une longue heure à expliquer sa démarche, ultime espoir de sauver le travail, et à écouter le G77.
Après délibération, celui-ci accepte d’utiliser ce texte comme point de départ pour la suite des discussions : dans ces conditions, ce n’était pas acquis. Un refus du G77 aurait conduit à une absence de tout texte du groupe de travail présenté à la conférence des Parties. Autrement dit un échec total qui aurait conduit probablement à une absence d’accord.
Vers 5h du matin, la séance plénière de conclusion est ouverte et le G77 impose des conditions : que les USA donnent publiquement leurs exigences, que d’autres pays en fassent autant. Et nous voilà partis sur une discussion détaillée de la décision principale… alors que ce n’était pas l’objectif. Les minutes, les heures passent. Il faut que le Président en appelle à l’indulgence des Parties pour pouvoir conclure une décision sur le package avant qu’il ne soit trop tard. La séance est levée vers 7h du matin. Le texte doit être présenté à 11h.
Le texte a été totalement modifié : insertion et surtout beaucoup beaucoup de “brackets” sur la décision principale. Il est donc mauvais, difficilement exploitable. Mais il existe. Il sera peut être renégocié dans les heures à venir, ou bien renvoyé uniquement devant les ministres…
Les Etats-Unis, soutenus par le Japon, ont imposé leur méthode au reste du monde ; ils ont marqué du mépris à l’intention du reste du monde. Et on ne discute même pas des chiffres, du fond ! On ne discute que de la procédure (qui, certes, a des implications sur le fond). Affligeant. Et inquiétant. Car il reste désormais très très peu de temps pour réussir à rendre ces textes opérationnels et utiles. On est passé très près de la catastrophe dans un des deux groupes, mais rien n’est encore joué.
Je ne suis pas certain que ce rapport rapidement écrit après une nuit blanche soit très limpide… mais c’est pour info.
La Conférence des Parties, qui rapporte les résultats des groupes de discussions, est visible sur le site de l’UNFCCC.
Etats-Unis et Russie redonnent quelques espoirs pour Copenhague
Un officiel américain vient d’annoncer (voir ici également) que les Etats-Unis viendraient à Copenhague avec des objectifs chiffrés en termes d’émissions de gaz à effet de serre (et ce malgré l’impossibilité pour le Congrès de voter sur la loi relative au climat et à l’énergie d’ici le 7 décembre).
C’est une excellente nouvelle, un réel progrès dans un contexte morose. Une annonce contraire aurait définitivement clos tout espoir d’accord réel à Copenhague.
Comme Yvo de Boer avait supposé lors de la conclusion des discussions de Barcelone que cela arriverait, les Etats-Unis ont également indiqué que le chiffre porté par l’administration serait conforme aux objectifs devant le Congrès. Ce fameux chiffre semble faible (quelques % de réductions en 2020 par rapport à 1990, ce qui est a priori insuffisant), mais il existe quelques marges de manoeuvre suivant que l’on prend les réductions d’émissions purement domestiques ou avec les mécanismes de flexibilité.
Cette annonce intervient peu de temps après l’annonce du Président Russe Medvedev que la Russie réhausse ses engagements de -10 ou -15% à -20 ou -25% en 2020 par rapport à 1990. Certes, cet objectif revient tout de même à une augmentation des émissions de GES de la Russie par rapport au niveau actuel (l’URSS ayant chu entre 1990 et aujourd’hui, et ses émissions avec*), mais c’est une moindre augmentation et un réel effort supplémentaire puisque moins de « hot air » (permis d’émissions gratuits), et donc moins de revenus potentiels pour la Russie. Je ne partage donc pas l’avis selon lequel ce ne serait que pur cynisme…
Lorsqu’il existe de relatives bonnes nouvelles dans un contexte morose, sachons nous en réjouir ! :S
*les émissions russes étaient en 2007 de 34% inférieures à celles de 1990 si on ne compte par les changements d’usage des sols et de 40% inférieures à celles de 1990 si on les inclut.
En route vers Copenhague : suivi des positions (12)
Depuis la conférence de Barcelone, qui a permis que les négociations de l’UNFCCC continuent d’avancer dans un cadre dit « informel » avant le début de la conférence de Copenhague, les annonces de négociations bilatérales et multilatérales se multiplient.
Chine-Etats-Unis
Obama en Chine : Jintao et Obama ont déclaré vouloir un succès à Copenhague et un accord « à effet opérationnel immédiat ». Le ministre Danois Rasmussen s’en réjouit.
A priori, cette annonce est effectivement positive puisque semble synonyme de volonté politique et un refus d’un « déclaration politique » ou d’un « accord partiel » .
Cependant, cette petite expression « effet opérationnel immédiat » n’est pas très claire à interpréter… ce n’est même pas très logique, puisque l’accord qui doit intervenir vise à s’appliquer à partir de 2013 et que, comme tout traité international, il ne peut s’appliquer directement et doit être ratifié par les Parlements des pays. D’ailleurs, comme pour le protocole de Kyoto, il semble raisonnable de penser que tous les « détails » opérationnels seront négocier après Copenhague…
Soit Obama a glissé cette expression par mégarde ou pour donner quelque chose à se mettre sous la dent aux journalistes sans qu’il n’y ait de signification particulière…
Soit l’expression a été soigneusement choisie, ce qu’on peut raisonnablement supposer. Mais comment trouver un accord opérationnel immédiatement, alors que, clairement, les négociations techniques ne sont pas assez avancées (en guise de preuve, allez voir les « non papers » qui constituent la base de négo du groupe AWG-LCA) ? La logique est exactement inverse de celle présente dans la dernière déclaration de Ban ki Moon qui demande « du politique maintenant, du technique plus tard ».
Une interprétation optimiste serait la suivante : la déclaration d’Obama de Jintao serait un signe pour affirmer que les deux pays sont prêts à prendre des engagements politiques contraignants à Copenhague. Ils refuseraient l’idée de repousser la conclusion d’un accord global lors de la Conférence des Parties n°16 de décembre 2010 ou lors d’une Conférence des Parties « n°15 bis » en juin ou juillet 2010 (scénario largement envisagé désormais). Mais pourquoi diable une telle expression ?
Une interprétation pessimiste serait qu’Obama et Jintao nous mènent en bateau et que les divergences sont encore trop grandes pour même savoir où nous allons.
Réunion au Danemark
Parallèlement, 44 se sont retrouvés au Danemark, sur invitation du gouvernement danois, afin de faire avancer les discussions. Ce sommet est probablement une bonne chose car il réunit les leaders précisément sur la question du climat. Les négociateurs qui interviennent dans le cadre des négociations de l’UNFCCC ne possèdent pas le pouvoir politique, contrairement aux chefs de gouvernements. Malheureusement, ceux-ci se sont déjà largement réunis sur la question (lors des G20 par exemple) et peu de choses avaient évolué.
L’APEC inquiète, la Russie rassure
L’APEC s’est également réunie et a proposé une déclaration finale sur la question… cette dernière est très décevante puisque les engagements chiffrés sur le long terme ont été retirés à la dernière minute. Cela est inquiétant, car les chiffres incriminés déterminent un avenir global commun (une « vision partagée »)… Or si même là-dessus, les divergences sont encore importantes, il paraît encore plus difficile de trouver un accord qui répartisse l’effort à fournir.
En revanche, la bonne surprise vient de la Russie, avec Medvedev qui affirme en marge de l’APEC que les conséquences des changements climatiques pourraient être « catastrophiques ». Jusqu’à présent, la Russie était discrète, voire antipathique concernant les négociations sur le climat. Cette déclaration est donc plutôt rassurante.
Super Borloo ?
Et il y a eu la déclaration commune France-Brésil (voir le post pour le texte). Déclaration plutôt intéressante, bien que pas révolutionnaire. Cette déclaration est à replacer dans le contexte de l’activisme de Borloo, qui souhaite proposer un scénario positif à Copenhague avec le soutien de pays pauvres et en développement, tout en déclarant que « Washington est le principal frein » pour un accord. Cette affirmation est rare de franchise, mais sur le fond, elle n’est pas contestable.
Il y a malheureusement très peu (pour ne pas dire aucune) information sur le plan élaboré par Borloo, à part les déclarations politiques occasionnelles. Et comme déjà dit ailleurs, ce plan doit s’inscrire dans un cadre de négociations plus global, ce qui ne paraît pas aisé.
La société civile doit soutenir et pousser les exécutifs
En somme, la tension monte, comme le relatent de nombreux journaux. Il est difficile d’y voir clair, dans cette situation paradoxale (est-ce vraiment paradoxal ?) dans laquelle tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut agir, fort et maintenant, mais où le consensus est très difficile à trouver.
Tout repose entre les mains des dirigeants des exécutifs nationaux : seuls eux pourront décider de l’effort que leur pays est prêt à réaliser. Et seul un accroissement de ces efforts permettra un accord à la hauteur des enjeux. En ce sens, il semble que la société civile a un rôle important à jouer en montrant son soutien actif aux gouvernements à des décisions ambitieuses, même si ce n’est pas dans son intérêt.
(photo : TIAN LI/GAMMA PEKIN/Eyedea Press)
En route vers Copenhague : suivi des positions (11)
Voir les épisodes précédents : (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7), (8), (9), (10).
Aujourd’hui, je fais bref et incomplet dans ce résumé des positions/négo : les choses vont tellement mal qu’on est parfois tenté de mener une politique de l’autruche vis à vis de la réalité…
Les bonnes nouvelles
- Le Sénat des Etats-Unis lance son travail législatif sur le climat… le monde est suspendu aux engagements que les USA prendront. Et ce n’est pas la volonté forte d’Obama qui est en mesure de garantir la suite des évènements… et cette bonne nouvelle pourrait rapidement se transformer en mauvaise nouvelle.
- La mobilisation de la société civile mondiale prend de l’ampleur.
- Les ONG s’activent toujours autant et certaines proposent un texte d’accord « clé en main ».
Les mauvaises nouvelles
- Aux Nations unies, on ne croit plus à un accord contraignant à Copenhague ; et on prépare des discussions post-Copenhague.
- L’Union Européenne n’arrive pas à se mettre d’accord sur les financements débloqués pour l’aide à l’adaptation (conseil des ministres des finances du 20 octobre). La question est renvoyée au sommet européenne du 29 et 30 décembre. Elle est cruciale pour espérer obtenir un accord : pas d’argent, pas d’accord.
Prochaines étapes : Conseil européen du 29 et 30 octobre, la conférence de Barcelone du 2 au 6 novembre.